affiche film

© Rezo Films

BURIED


un film de Rodrigo Cortes

avec : Ryan Reynolds, José Luis García Pérez, Robert Paterson...

Paul Conroy, chauffeur pour une entreprise privée en Irak, se réveille dans un cercueil, les mains attachées, avec pour seuls objets un Zippo et un téléphone portable. Qui l’a mis là et pour quelle raison ? Comment s’en sortir ?


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Photo film

Mise en boîte

Une heure et trente minutes de métrage avec pour seul décor l’intérieur d’un cercueil, pour seul comédien Ryan Reynolds, et pour seules péripéties les conversations téléphoniques passées depuis un mobile programmé en arabe ? Ce pari fou a été relevé par un jeune cinéaste espagnol, Rodrigo Cortés, qui réalise là son second film après « The Contestant » en 2007 et une foule de courts-métrages. La première réaction, face à un tel projet traduit, naturellement l’étonnement, tant on se demande comment une intrigue peut tenir la distance à partir d’un principe aussi narrativement et esthétiquement contraignant. Le risque est réel de perdre son spectateur dans les quelques mètres carrés de cet espace vital. Il faut donc un grand talent de conteur et de metteur en scène (au sens littéral de « gérer l’espace dramaturgique ») pour détourner les inconvénients dus à la contrainte. Cortés aurait pu faire de « Buried » son symbolique tombeau artistique ; il en a, à l’inverse, tiré les ressources pour s’imposer sur la scène cinématographique.

En guise d’exemples de grands défis techniques cinématographiques, Cortés cite volontiers les deux œuvres d’Alfred Hitchcock astreintes à des possibilités topographiques réduites : « Lifeboat », qui se déroule entièrement dans un canot de sauvetage (un film étonnant et superbe que l’auteur de ces lignes vous recommande chaudement), ainsi que « La Corde », constitué d’une succession de plans-séquences respectant la triple contrainte de lieu, de durée et d’action. De telles contraintes obligent le cinéaste à adopter une palette de « trucs » plus inventifs les uns que les autres, afin de conserver toujours l’attention du public au centre de l’écran. Le récit se doit d’être un flux tendu porté par l’habileté d’un comédien et l’utilisation intelligente de rares accessoires, de telle façon que la crédibilité de la situation reste l’objectif premier. Ici, ces artefacts et les situations qui en découlent seraient, dans un contexte normal, tout à fait insignifiants, mais prennent du relief du fait de l’enferment spatial du personnage : un Zippo qui finit par brûler les doigts, une lampe torche qui fonctionne mal, un téléphone portable en langue arabe, pourvu d’une batterie pleine aux trois quarts et doté d’une connexion au réseau minimale, etc. Le scénariste, Chris Sparling, y ajoute une double contrainte de temps : le kidnappeur mystérieux laisse un peu plus de deux heures à Paul Conroy pour convaincre ses supérieurs de verser une rançon, sans quoi il le laissera mourir six pieds sous terre ; et pendant ce temps, l’oxygène disponible tend à se raréfier.

Le film reste principalement rythmé par les conversations téléphoniques : dialogues erratiques avec le ravisseur, contacts compliqués avec l’administration américaine, échanges pugnaces avec la belle-mère… Le récit se recentre vivement autour d’un constat simple mais nodal : la hiérarchie américaine est une vaste succession d’irresponsables qui appliquent cyniquement le protocole. Ainsi Paul est-il régulièrement mis en attente ou doit-il répéter à l’envi la problématique de sa situation, tandis que des tonnes de terre le séparent de la liberté. L’horreur de sa situation trouve son écho dans l’absurdité des réponses qu’on lui oppose. A travers ces discussions variées, et jusqu’à l’ironie qui fait oublier à la femme de Paul son portable à la maison (le mari condamné ne peut donc pas contacter la personne la plus importante à ses yeux), c’est à une sourde critique du système que se livre Cortés, souvent avec succès, parfois dans l’exagération (l’ultime conversation de Paul avec son patron est un monument d’immoralité, qui n’était sans doute pas indispensable).

Néanmoins, la principale réussite de Cortés réside dans l’utilisation d’une topographie forcément limitée, qui pousse l’équipe technique à faire des miracles et le récit à se transfigurer : l’étroitesse du cercueil (huit furent construits pour l’occasion, de tailles différentes) oblige à une certaine économie des déplacements, des plans et des échelles de plan, tout en ouvrant la voie au montage et à des mouvements de caméra non naturels – ainsi Cortés fait-il usage de zooms rapides, d’enchaînements de plans très brefs et de travellings qui étendent le cercueil à l’infini, aggravant encore la puissance anxiogène de l’espace clos. Pour le protagoniste, toucher un objet devient une gageure, les mouvements se limitent à l’essentiel, et le simple fait de se retourner paraît presque impossible. « Buried » fonctionne donc essentiellement sur une gamme réduite de gestes et d’émotions qui participent de la claustrophobie ambiante. Dommage qu’à une occasion, et à une occasion seulement, Cortés se sente obligé d’introduire une péripétie dont la pertinence est discutable, bien que sans doute nécessaire à un rebond de rythme. L’expérience est tellement réussie qu’on ne lui en fera toutefois pas reproche.

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