© Sophie Dulac Distribution
Le portement de la croix, tableau de Bruegel l’Ancien de 1564, relate une étrange Passion du Christ mêlée, en arrière-plan, au chaos de la vie quotidienne de paysans flamands. Le film est une plongée à l’intérieur de la toile, au cœur de l’existence de différents personnages qui, le temps d’un instant, posent pour Bruegel…
« Bruegel, le moulin et la croix » est sans doute un exemple unique d’adaptation d’œuvre picturale en tant que telle : la caméra nous fait littéralement pénétrer à l’intérieur du Portement de la croix de Bruegel l’Ancien, peint en 1564. Ce tableau foisonnant, mystérieux et chaotique, qui dissimule au sein de ses centaines de personnages une Passion presque anecdotique, révèle ici une partie de ses secrets au spectateur par le biais de Bruegel lui-même, incarné par un flegmatique Rutger Hauer, qui réalise en direct sa propre peinture. Et en profite, au passage, pour détailler le choix des placements des personnages et l’utilisation de certains décors plutôt que d’autres, tandis qu’un Michael York bouffi (dans le rôle de Nicholas Jonghelick) émet quelques regrets face aux scènes de violence qui se déploient devant ses yeux.
Le projet de l’artiste, poète, dramaturge et plasticien Lech Majewski est d’autant plus étrange et fou qu’il s’appuie sur l’ouvrage du critique d’art Michael Francis Gibson consacré à l’étude de cette unique peinture, et se veut être par conséquent moins une fiction au sens propre qu’une expérience de compréhension de l’œuvre picturale d’un grand peintre. L’idée n’est certes pas mauvaise : le film raconte une journée dans la vie des paysans flamands du XVIe siècle, journée de violences et de meurtres, avec en point de départ une série de réveils dans des chaumières qui rappelle fortement les premières scènes analogues de « Brigadoon » de Vincente Minnelli (qui, lui, s’inspirait largement des tableaux de Wermeer). De séquence en séquence, nous plongeons dans un brouillard toujours plus épais, sous couvert d’intolérance confessionnelle – un homme est battu par des types habillés de rouge qui finissent par le suspendre à une roue en hauteur (objet tiré du tableau de Bruegel), une femme est enterrée vivante, un pseudo-Christ doit porter sa croix sous les coups de fouet… Avec, en point de mire, ce pic rocheux au sommet duquel affleure un moulin à vent, surplombant cette scène improbable.
Mais au-delà de son formidable concept, le film, à l’instar du moulin susdit, donne rapidement l’impression de ne brasser que du vent. Majewski enchaîne les scènes statiques, rallonge absurdement ses plans et oublie de proposer une musique véritablement lyrique, qui donnerait à cette exploration historico-mentalo-picturale toute son ampleur. Le cinéaste polonais, en tentant son pari fou, a sans doute oublié qu’un film de fiction nécessite un rythme particulier qui n’est pas celui d’une installation vidéo. Il serait finalement moins ennuyeux de passer les quatre-vingt-dix minutes que dure le long-métrage devant le tableau de Bruegel, à scruter ses innombrables mystères et à imaginer l’existence de ses nombreux protagonistes. En l’état, son « Bruegel » ressemble surtout à un chemin de croix.
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