La vache !

Même si l'on peut admirer les plans millimétrés, la beauté de la photo et l'aspect contemplatif de l'ensemble - le réalisateur plaçant d'emblée le spectateur en observateur objectif -, il est cependant bien difficile de comprendre où Emmanuel Gras veut en venir. « Bovines », moyen métrage d'une durée de 1 h 04 n'affirme en effet aucun point de vue, se contentant d'exclure l'homme pour mieux montrer l'animal et de redonner place au rythme de la nature, celui-ci étant propre à générer une somnolence naturelle.

Certes, la vision d'ensemble du troupeau, pénétrant progressivement dans le champ avec ces vaches soigneusement alignées, évoque une série de tondeuses ou de moissonneuses, faisant penser à une organisation mécanique. Certes, les gros plans sur le museau, doublés d'un formidable travail sur le son, permettent de saisir l'ampleur de la mastication, vision hypnotique d'une vache pleine de tics ou façon crâneuse à chewing-gum. Et si la seconde partie du film remet l'homme dans le cadre, il n'a pas un rôle réellement supérieur à celui du chien, consistant à guider les bêtes sur un chemin ou vers des camions, qui sont, eux, les véritables objets de stress.

Loin du rythme citoyen effréné ou des documentaires sur la malbouffe et les abattoirs, le réalisateur nous introduit dans une société autre, où le domestique s'émancipe, n'ayant plus besoin de l'homme (jusque dans l'accouchement...), et où les meuglements rythment les protestations quotidiennes. Reste qu'on ne peut s'empêcher de penser que le film, véritable petit phénomène depuis quelques semaines, plait finalement surtout aux citadins en manque de vert ou aux rurbains récemment installés et incapables de sortir de leur parcelle de 1 500 m2. Vraiment utile ?