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Le jeune Fabijan débarque dans une île croate de Dalmatie avec l’objectif de succéder progressivement au prêtre local, vieillissant mais toujours populaire auprès des locaux. Il constate rapidement les problèmes démographiques des lieux : beaucoup de décès et pas de naissance. Lors d’une séance de confession, Petar, le vendeur du kiosque, lui apprend que l’utilisation de préservatifs est massive parmi les insulaires. Comme Petar a peur de s’attirer les foudres divines, Fabijan lui propose un plan : tous deux vont percer en amont tous les préservatifs vendus sur l’île. Ils trouvent même un troisième complice en la personne de Marin, le pharmacien raciste, qui remplace les pilules contraceptives par des vitamines...
À force de découvrir des films venant d’ex-Yougoslavie, on finit par se poser des questions sur cette cinématographie régionale : Emir Kusturica a-t-il une influence telle que tous les cinéastes du coin finissent par suivre le même chemin ? Ou Kusturica n’est-il qu’un représentant d’une tendance locale, dont il serait le plus doué et/ou le plus exportable ? Quelle que soit la réponse, force est de constater que les comédies burlesques et loufoques, plus ou moins grinçantes et/ou empreintes de réalisme magique, sont légion dans cette partie de l’Europe. Et « Bonté divine » ne fait pas exception à la règle.
Dans un pays où la tradition catholique est aussi forte, s’attaquer à la religion est un pari potentiellement risqué (mais réussi, vu les résultats au box-office croate). Le fait de s’y atteler avec humour est à double tranchant : d’un côté on évite de dramatiser trop le propos en le prenant à la légère, de l’autre le film n’en est que plus mordant. Ce n’est pas un hasard si, selon la promo française du film, « Bonté divine » était le dernier coup de cœur cinématographique de feu Charb, qui avait participé à l’illustration de l’affiche. Le film de Vinko Brešan fonctionne en effet comme l’art de la caricature : l’humour est un révélateur des travers de la société et un outil pour titiller la pensée et la raison. Et comme « Charlie Hebdo », ce film a deux cibles privilégiées : l’hypocrisie religieuse (thème principal) et la stupidité nationaliste (thème secondaire incarné par le personnage du pharmacien).
Si la qualité et l’efficacité ne sont pas régulières au fil du film (les passages plus dramatiques voire tragiques fonctionnent moins bien), l’ensemble n’en est pas moins facétieux et pertinent. Vinko Brešan s’en donne à cœur joie pour se moquer de la naïveté de la population à coup d’exagérations (comme lorsque Petar insonorise sa maison avec des boites d’œufs pour éviter que le voisinage comprenne que sa femme et lui ont illégalement récupéré un bébé abandonné) ou pour piéger son personnage principal dans la spirale infernale des conséquences qu’engendre son idée de départ (avec un effet cumulatif qu'on peut imaginer un Kusturica ou un Wes Anderson encore plus accentuer). L’institution ecclésiastique en prend un coup à plusieurs reprises, notamment lors de la visite d’un évêque aux atours mafieux qui vient seulement vérifier que Fabijan n’est pas pédophile. De son côté, Marin le pharmacien, le parano de l’invasion étrangère, ridiculise à lui seul les nationalismes qui empoisonnent encore les Balkans. Bref, à défaut d’être parfait, « Bonté divine » apporte sa pierre à l’édifice vacillant du droit au blasphème, en ces temps de repli communautaro-religieux où rire de la religion devient plus que jamais nécessaire pour défendre la démocratie et les droits humains.
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