© Memento Films Distribution
1999. Un policier fraîchement divorcé se retrouve à enquêter sur les parties d'un corps, retrouvées au beau milieu du charbon, dans diverses centrales de la province de Mandchourie au Nord du pays. Pris dans une fusillade au cœur d'un salon de beauté, il est le seul à en réchapper, laissant le mystère de l'assassinat intact. Cinq ans plus tard, alors qu'il est devenu alcoolique et ne fait plus partie de la police, il recroise ses collègues, qui enquêtent sur deux autres disparitions autour de la veuve du mort de 1999. Il ne peut s'empêcher de se mêler de l'affaire...
Film chinois présenté en compétition du dernier Festival de Berlin, "Black Coal" s'avère un troublant et moderne Ours d'or 2014, emmenant le cinéma chinois dans des contrées jusque là inconnues. Étrange histoire de corps retrouvés découpés, les membres étant répartis dans diverses centrales à charbon, le film met en scène un enquêteur, traumatisé par son divorce, et en permanence sur le fil du rasoir, tentant de se raccrocher à cette enquête, ressurgie dans ce qui lui reste de vie. Pathétique et nerveux, ce personnage a valu un prix d'interprétation masculine fort mérité au puissant Fan Liao, acteur remarqué en 2008 du côté d'Un certain regard à Cannes, pour son rôle dans le sulfureux et passionnant "Ocean Flame" (encore malheureusement inédit en France).
Pour une fois affublé d'une certaine absence de morale quant à l'implication personnelle de l'ancien flic, le scénario génère progressivement un certain trouble, autour de sa relation étrange avec la jeune veuve (entre attirance et défiance). Doté d'une construction efficace, le film dispose de quelques scènes à la violence contrecarrée par un certain décalage dans la manière d'agir de l'enquêteur ou dans l'enchaînement inattendu des actes (voir la scène de fusillade dans le salon de coiffure...). S'il réserve quelques intéressantes fausses pistes, son indéniable originalité provient également du beau travail d'approche des ambiances nocturnes, donnant une vision nouvelle de la ville chinoise.
À noter la magnifique utilisation des lumières de la ville, depuis le plan sur le pont avec les lampes jaunes, jusqu'à la façade surréaliste du club « Feu d'artifice en plein jour », en passant par les lumières d'une grande roue perdue au milieu de nulle part. Terrains ou bâtiments abandonnés ou en décrépitude, patinoire en bord de fleuve, Yinan Diao compose avec les décors incroyablement ciné-géniques d'un tissu urbain en pleine mutation. Ajoutez à cela quelques plans sublimes, telle la route recouverte de glace, ou le pont depuis lequel sont jetés les morceaux de corps, un personnage principal aussi fort que déboussolé, ainsi que les ingrédients d'un réel suspense, et vous aurez envie de faire un détour par la Chine pour découvrir cet étrange polar. Et vous aurez bien raison.
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