© Mandarin Production / Wild Bunch / Gondwana City Production / Miyerkine Kone
Le Président-Fondateur du Gondwana annonce qu’il va se présenter pour un troisième mandat. Officiellement indignées, les puissances occidentales envoient une délégation onusienne pour observer les élections et défendre la démocratie. Au moins dans les apparences…
D’un point de vue cinématographique (et de bien d’autres points de vue), l’Afrique est souvent le continent oublié, que cette comédie satirique a au moins le mérite de mettre au centre. Car "Bienvenue au Gondwana" est africain à plus d’un titre. Son réalisateur, Mamane, est un humoriste nigérien, qui vit en France depuis longtemps et a notamment fait ses armes au Jamel Comedy Club avant de tenir une chronique radio humoristique sur RFI (très écoutée en Afrique) où il a créé la fictive « République très très démocratique du Gondwana » qu’il adapte donc sur grand écran. Cette coproduction franco-ivoirienne a été majoritairement tournée en Côte d’Ivoire (où Mamane a vécu durant son enfance) avec le soutien des autorités locales. Les interprètes sont en grande partie africains ou d’origine africaine, parmi lesquels les Ivoiriens Michel Gohou et Digbeu Cravate, dont les deux personnages étaient initialement au centre du projet, la Centrafricaine Prudence Maïdou ou encore le Burkinabé Rasmané Ouédraogo. Quant à la musique, elle est composée par le Congolais Ray Lema et le film bénéficie de deux guests de marque : le rappeur sénégalais Didier Awadi et, surtout, la légende du reggae ivoirien Tiken Jah Fakoly, véritable icône de l’altermondialisme.
Le film n’est pas tout à fait homogène, oubliant parfois la comédie au profit d’un drame politique un peu convenu, et les situations peuvent manquer de subtilité, notamment pour certains dialogues qui soulignent un peu trop le propos de Mamane. L’interprétation n’est pas non plus d’une qualité régulière, notamment pour les rôles occidentaux qui semblent issus d’un modeste téléfilm. Pourtant, malgré ces diverses imperfections, "Bienvenue au Gondwana" propose plus d’une qualité.
Parmi les réussites du film, figure la volonté de proposer un regard multiple : si le point de vue africain est évidemment très présent, Mamane observe également son continent à travers les yeux d’un Français naïf et maladroit (Antoine Gouy, seul acteur blanc à la hauteur), dont les indignations et l’idéalisme sont confrontés à la dure réalité. Le scénario n’épargne ni les Occidentaux ni les Africains, les rendant conjointement responsables de l’inertie socio-politico-économique dans laquelle de trop nombreux pays africains sont plongés.
Mamane se montre très pertinent quand il aborde la persistance d’une mentalité coloniale dont la population africaine est elle-même imprégnée (voir particulièrement le running gag avec le personnage de Michael, un Noir de nationalité suisse qui est régulièrement traité avec moins de considération que ses collègues occidentaux), quand il interroge le concept flou de « communauté internationale » (hilarant !), quand il plaisante à propos de l’impuissance des mouvements d’opposition (scène très drôle lorsque les opposants se déchirent jusqu’au choix d’une couleur officielle pour une coalition vouée à l’échec), ou encore quand il dépeint les étrangers comme des hypocrites qui profitent du système dictatorial qu’ils sont censés surveiller voire remettre en cause, spécialement à propos du « tour du monde de l’observation électorale » (excellente expression illustrée par exemple par les jalousies entre observateurs à propos des différences de chambres d’hôtel). Avec une démarche en partie similaire, Mamane est plus accessible l’audacieuse et singulière tentative d’Abderrahmane Sissako en 2006 avec "Bamako".
Si le propos général de cette caricature peut sembler fataliste, quelques personnages apportent aussi de l’optimisme et de la confiance pour l’avenir de l’Afrique. Au final, en associant réflexions géopolitiques à un humour plutôt efficace et à une véritable déclaration d’amour pour son continent d’origine, Mamane négocie assez bien son baptême cinématographique. Et le spectateur passe un moment encore plus agréable s’il s’amuse à traquer certains détails dans les décors et costumes, comme l’omniprésence de l’hippopotame, symbole du Gondwana (le plus dôle étant le logo de l’hippodrome avec un hippopotame à la place du cheval).
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