affiche film

© A3 Distribution

BENDS


un film de Flora Lau

avec : Carina Lau, Kun Chen, Yuan Tian…

Anna menait la belle vie, celle d’une épouse hongkongaise fortunée, où ses seuls soucis se limitaient à ne pas rater son cours de danse ou la dernière exposition à la mode. Mais lorsque son mari la quitte brutalement, c’est à lutter pour sauver les apparences qu’elle va désormais œuvrer. Sans le savoir, son chauffeur se bat lui aussi chaque jour, pour que son enfant naisse à Hong-Kong afin de contourner la « Loi de l’enfant unique ». Deux destins si différents et pourtant si liés…


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Photo film

Un drame élégant et subtilement ironique mais pas suffisamment abouti

Pour son premier passage derrière la caméra, la cinéaste hongkongaise Flora Lau a décidé de filmer sa région natale, s’entourant également d’une belle équipe avec notamment le chef opérateur renommé, Christopher Doyle. Son métrage suit le parcours de deux individus, Anna et Fai, dont les destins vont être irrémédiablement liés. Elle, est une épouse qui profite de la richesse de son mari pour mener une vie épicurienne ; Lui, est son chauffeur, essayant tant bien que mal de boucler les fins de mois.

Mais un jour, tout va basculer. Anna est quittée subitement par son époux, et celle qui se souciait jadis uniquement de ne pas rater son cours de tango va devoir désormais vendre ses biens pour survivre. Fai va également courir après l’argent, pour permettre à son bébé de naître à Hong-Kong, et ainsi contourner la « Loi de l’enfant unique » chinoise. Métrage sur les faux-semblants, "Bends" cherche surtout à évoquer les problématiques frontalières et les inégalités sociales avec un regard humain et bienveillant. Si le film sobre et élégant bénéficie d’indéniables qualités esthétiques, on regrettera un scénario titubant entre un récit mal maîtrisé et une parabole politique pas suffisamment aboutie.

Et malgré les bons sentiments et l’enrobage délicat, les protagonistes apparaissent relativement antipathiques, réduisant ainsi considérablement l’impact émotionnel. Les péripéties des deux pour parvenir à leur fin finissent même par devenir redondantes, le scénario ne cessant de s’étioler et de se perdre dans une dimension contemplative trop prégnante. On voit bien les ficelles avec lesquelles la réalisatrice aimerait faire résonner ces deux parcours pour développer un propos plus critique sur leur situation, mais jamais, elle ne parvient à toucher son but. Et au final, nous, on restera un peu sur notre faim…


À la frontière de deux mondes


Au travers de l’histoire de Fai, "Bends" aborde la complexité absurde que connaissent les couples qui veulent avoir un deuxième enfant dans la zone tampon de Shenzen, coincée entre Hong Kong et le reste de la Chine. Si la mère accouche dans ce territoire la famille devra payer une taxe comme l’impose le gouvernement chinois avec sa politique nataliste restrictive. Par contre si elle réussit à accoucher à Hong Kong, elle profitera du statut privilégié de la péninsule anciennement britannique et ne devra s’acquitter d’aucun impôt.

Pour étoffer son propos la réalisatrice met en parallèle la problématique du couple avec la déchéance de la patronne de Fai, une femme richissime, qui du jour au lendemain se retrouve abandonnée par son mari lui laissant ses dettes et aucun moyen de survie. Les deux destins vont se croiser dans l’habitacle d’une voiture sans qu’aucun des protagonistes ne laisse paraître ses inquiétudes. Telle la théorie Feng Shui, dont Anna est une fervente adepte, le salut de la famille de Fai dépend de l’endroit ou elle se trouve, alors que la femme aisée doit vendre les objets sensés apporter la sérénité de son habitat.

L’antinomie de ces deux personnages, maintes fois traitée sur grand écran, se développe de façon appliquée mais malheureusement sans grand relief. Les personnages contraints de cacher leur désarroi sont assez lisses et n’aspirent que peu d’empathie. Le père est modèle et la femme richissime reste digne malgré sa chute vertigineuse dans l’échelle sociale. Le récit se déroule ainsi purement narratif, passant de l’un à l’autre, sans la moindre aspérité qui puisse apporter au film une réelle originalité. Un film classique qui offre néanmoins un saisissant instantanée de la situation géopolitique hongkongaise, qui depuis sa rétrocession à la Chine en 1997, entretient avec cette dernière, une relation de plus en plus problématique.

Gaëlle Bouché

15-07-2015

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