© Bodega Films
Dans l’atmosphère désertique d’une ville usine du littoral grec, Marina comble son ennui entre son père malade et sa meilleure amie Bella. Solitaire et posée, la jeune fille s’échappe de toutes relations sociales en regardant les documentaires de Sir David Attenborough (surnommé “Attenberg” par Bella qui a du mal à prononcer son nom). Alors qu’elle fait le taxi pour les usines des environs, Marina rencontre un ingénieur de passage...
“Tous les garçons et le filles de mon âge se promènent dans la rue deux par deux…”, voilà un refrain qu’aime fredonner Marina. Pourtant, c’est avec son amie Bella qu’elle va main dans la main. En blouse d’écolière ou d’ouvrière, on ne sait, elles inventent des chorégraphies grotesques qui vont des singeries à la marche militaire des evzones (les gardes grecs aux chaussures à pompons). Quelquefois Bella essaye d’initier, à sa manière, son amie à l’art du baiser. C’est peine perdue, car Marina préfère rester confinée chez elle à écouter le groupe “Suicide” ou discuter mammifères avec son père.
Un peu déconcertant comme entrée en matière, non ? Pourtant ”Attenberg”, sous ses faux-airs de film d’auteur torturé révèle de très beaux moments. à 20 ans passés, Marina se complaît dans une relation fusionnelle avec son père. Tous deux très indépendants, ils aiment se retrouver pour refaire le monde. Complices avant tout, ils jouent comme des enfants à singer les animaux pour ensuite parler ouvertement d’amour et de sexualité. Leur affection est palpable malgré une grande réserve. Une proximité accentuée d’autant plus par la maladie du père. Et lorsque que celui-ci aborde son intimité lors d’une séance de chimiothérapie, il se ressaisit et s’excuse : “Désolé, mais des fois j’oublie que tu n’es pas mon meilleur pote”.
Cette période troublée marque un tournant dans l’existence “idéale” de la jeune fille. Elle peut à présent devenir femme. Un ingénieur de passage devient alors le catalyseur de cette transformation. Dans sa chambre d’hôtel, il initie Marina à ses premiers émois sexuels. Des scènes brutes de réalisme, en plans fixes, qui néanmoins dégagent une profonde sensualité. C’est là tout le charme de ce film qui parvient à décortiquer tous les rouages des sentiments humain par le biais d’un prisme minimaliste autant qu’audacieux. Artiste plasticienne de formation, Athina Rachel Tsangari construit son récit comme une performance. Une histoire simple, agrémentée de variations iconoclastes, qui, à bien y regarder, soulignent un très joli portrait de femme.
Le personnage de Marina est d’autant plus troublant qu’il est savamment porté par son interprète : Ariane Labed. Très justement récompensée à la Mostra de Venise 2010, l’actrice incarne son rôle avec retenue. Une mélancolie assumée, sans excès, ni froideur, qui parfait l’atmosphère du film. “Attenberg” est comme certaines œuvres d’art contemporaines : on peut passer à côté sans les voir… ou bien s’arrêter, les observer, et découvrir avec bonheur qu’elles recèlent un angle de vue à part, original et captivant. Il ne tient qu’à vous de tenter l’expérience.
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