© Sony Pictures Releasing France
Parce qu'il est un noble, Edward de Vere, 17e comte d'Oxford, passionné de théâtre, ne peut rendre ses propres écrits publics. Il décide un jour de convoquer Ben Jonson, un jeune auteur, dont il a pu voir certaines pièces. Convaincu que celui-ci n'a pas de talent, il lui demande d'endosser la paternité de ses propres œuvres, et le paiera pour qu'elles soient portées à la scène. Mais l’écrivain se sentant plutôt humilié par ce principe, c'est un des acteurs de la troupe, William Shakespeare, qui va s'approprier publiquement la paternité de la première œuvre, puis des autres...
Et si Shakespeare n'avait pas écrit les textes qui lui sont depuis toujours attribués ? Le scénario de « Anonymous » développe cette idée, basée à la fois sur l'absence de manuscrits écrits de la main du génie lui-même, divers écrits et théories d'écrivains et chercheurs attribuant potentiellement la paternité des écrits du maître à un noble : Edward de Vere. Écrit en 1990, ce scénario avait été mis de côté suite au succès du fameux « Shakespeare in love ». Roland Emmerich, qu'on n’attendait pas vraiment dans ce registre, car plutôt spécialisé dans les films de science-fiction et les films catastrophes (« Independance day », « Godzilla », « Le jour d'après », « 2012 »), aura mis finalement plus de huit ans pour le transposer à l'écran, avec l'aide d'un casting des plus prestigieux.
Le résultat ? Un film en costume complexe, qui expose dans le détail une thèse faite de multiples intrigues, aussi effarante que plausible, mais démêlant par moment avec difficultés les relations entre les multiples personnages. D'autant que le montage, loin cependant de démériter, mêle deux époques, et dédouble donc certains rôles. En 2h10, Emmerich nous conte donc une sombre histoire de bâtards (ceux de la Reine Elisabeth I), d’un noble désireux de voir ses écrits révélés au monde (Edward de Vere), de perfidie et de manipulations de la part d'un conseiller (William puis Robert Cecil) visant à placer sur le trône un écossais, de jalousie d'un vrai auteur (Ben Jonson) et de dents longues d'un Shakespeare réduit à l'état d'alcoolique illettré. On ne tentera pas ici de vous résumer l'intrigue, chose impossible en quelques lignes, d'autant qu'elle recèle bon nombre de rebondissements.
Prenant d'emblée ses distances avec ce récit aussi improbable que les jeux de pouvoirs peuvent être retords, Emmerich fait intervenir en ouverture et clôture de son film, Derek Jakobi dans le rôle d'un conteur, présentant cette théorie au théâtre, à Broadway. On entre alors comme on ressort du récit, par le biais d'une scène de théâtre, lieu de représentation des pièces du-dit Shakespeare, lieu où le faux côtoie le vrai. La pellicule, elle, a un avantage indéniable, elle permet de donner à voir une riche reconstitution du Londres, avec notamment des vues sur un pont habité sur la Tamise comme on l'a rarement représenté au cinéma. Plongeant dans cet univers d'une noirceur implacable, le spectateur, accompagne une troupe au diapason menée par un Rhys Ifans arborant sa tristesse de créateur maudit. Dotée de riches costumes, elle se compose d'une Vanessa Redgrave chancelante, doublée d'une Joely Richardson (« Nip Tuck ») vampirique, et d'un Shakespeare interprété par un acteur qui ressemble étonnamment au Ralph Fiennes de « Shakespeare in love ». Et au final, on ne pourra que contempler l'amplitude des ramifications de l'intrigue, qui fait finalement moins de place au théâtre qu'à la supposée réalité, bien plus extraordinaire.
PS : Pour vous aider à vous y retrouver, vous pouvez vous reporter au formidable site Internet du film, qui vous permet d'interroger de manière dynamique les relations entre les personnages, à leurs divers âges.
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