© Sophie Dulac Distribution
Une immigrante péruvienne installée à Madrid avec son petit ami, qui vit du trafic de fleurs séchées, volées dans les poubelles d'une usine de conditionnement. Leurs conditions de vie étant plus que précaires, elle réussit à trouver un travail d'aide à domicile auprès d'Amador, un vieillard à moitié impotent. La fille de celui-ci devant partir en voyage quelques semaines, cette tâche ingrate, l'homme étant particulièrement difficile, devrait lui permettre de faire face aux dépenses inconsidérées de son ami, bien décidé à s'endetter en achetant un nouveau frigo, pour conserver les précieuses fleurs...
L'auteur de "Les Lundis Au Soleil" et "Princesas", Fernando Leon De Aranoa, nous offre dans « Amador » un revirement de situation plutôt surprenant, au bout d'une demi-heure de film. Il passe ainsi d'un drame social pur et dur, une histoire classique d'amitié naissante entre deux exclus (l'une économiquement, l'autre de par son grand âge), à une sorte de comédie désenchantée. Interrogeant l'honnêteté face au dénuement économique, mais aussi la croyance d'une héroïne venue d'Amérique du sud fortement religieuse, le scénario à l'apparence simpliste, questionne également la survie d'un couple dans lequel l'homme n'en fait qu'à sa tête, jamais attentif aux inquiétude de celle qu'il dit aimer.
Les amusants stratagèmes développés par une jeune femme dépassée par les événements, pour réussir à camoufler le problème survenu et ne pas perdre son emploi, se doublent de manifestations mystérieuses dans la maison (un ventilateur retrouvé en marche, une fenêtre ouverte... qu'elle est pourtant persuadée d'avoir laissée fermée), brouillant les pistes, et accentuant le calvaire de la jeune femme, qui se lit déjà sur son visage fermé et dans son regard profondément triste. Le réalisateur use ici d'un minimum de plans, à l'intérieur de l'appartement du vieil homme, laissant ce dernier souvent hors champs, pour mieux observer l'attitude de sa bonne à tout faire. Sa mise en scène millimétrée, usant avec ravissement des profondeurs de champs et perspectives à plusieurs niveaux, se donne le temps d'observer de véritables êtres humains.
Autour de son héroïne (Magaly Solier, vue dans "Fausta" et "Altiplano") le film aligne quelques personnages secondaires croustillants. Parmi eux, on notera un prêtre intervenant auprès de la jeune femme réfugiée dans son église, et dont les paroles résonnent d'un délicieux et involontaire double sens. Et on remarquera surtout l'intrusion d'une prostituée, venant tous les jeudi s'occuper d'Amador, comme une dernier acte autonome resté secret vis à vis de la fille de celui-ci, plutôt philosophe quant à son métier. Tous contribuent à donner à ce film espagnol, une tonalité véridique. Quant à la conclusion, elle laisse un goût amer en bouche sans pourtant verser dans le drame attendu, et marque un point de vue social sans concession. Un film surprenant et délicat de bout en bout.
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