© Rezo Films
À Paris, Alex vit de petits trafics de shit. Un soir, alors qu’il décide de tout arrêter, une opportunité se présente à lui : ouvrir un restaurant avec son cousin en Israël. Mais pour cela, il doit à la fois passer son Alyah et trouver 15 000 euros, et vite…
L’un des premiers films présentés à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes 2012 a été le premier film d’un tout jeune réalisateur français, Elie Wajeman, « Alyah ». Ce long-métrage s’intéresse aux juifs qui décident de tout plaquer dans leur pays pour se rendre en Israël vivre une autre vie. Par cet acte, on dit qu’ils font leur Alyah. Loin de ne s’intéresser qu’à cette procédure et aux raisons qui poussent les membres de la communauté juive à sauter le pas, Elie Wajeman explore aussi les codes du drame social et familial.
Avec un frère constamment dans le besoin financier et qu’il faut aider car il reste un frère, Alex sature. Il faut dire qu’Isaac est LE boulet par excellence. En effet, il oblige son petit frère à le dépanner régulièrement en cash et à sortir des billets à trois chiffres. Il l’envoie même s’expliquer avec ses ex à qui il n’ose pas dire qu’il rompt ! Mais Alex obéit, les liens du sang sont encore trop fort. Quand son cousin lui annonce qu’il s’exile en Israël pour ouvrir un restaurant, Alex entrevoit l’espoir d’un tournant dans sa vie. C’est décidé, il participera lui aussi à ce beau projet. Mais pour le financer, il a besoin de 15 000 euros. Le petit dealer qu’il était, avec son trafic de shit, va devoir viser plus haut… avec la dope.
Wajeman pose ses pions sur un échiquier sans que le spectateur connaisse sa stratégie et les prochains coups qu’il abattra dans le jeu. Car on a beau imaginer la direction que va prendre la partie, on se trompe deux fois sur trois… Un bon point pour lui malgré un fil conducteur général plutôt classique et peu trop sage ! Mais l’histoire se déroule avec une aisance remarquable et sans temps mort. Wajeman est, d’une part, très à l’aise dans les purs moments de comédie, notamment quand il s’agit pour Alex d’obtenir son certificat de judaïcité (irrésistibles leçons d’hébreu en coupant sa came et premier cours avec son ex qui lui demande ce qu’il a fait la veille, ne sachant pas bien sûr que cela est totalement irracontable !). Il impose facilement, d’autre part, l’ambiance tendue des relations avec son imbécile de frère et le jeu dangereux autour de la drogue (un peu trop ténu malheureusement).
Autre atout pour Wajeman, il a su s’entourer d’un casting hors pair. Si Pio Marmaï (en plus de dégager un charme ravageur) impose parfaitement sa carrure d’homme fort tout en dévoilant, à certains moments, la fêlure d’un jeune homme sensible ; si Adèle Haenel (« Naissance des pieuvres ») trouve un rôle à sa mesure avec ce personnage à l’impeccable répartie et au caractère bien trempé ; si Guillaume Gouix (« Jimmy Rivière ») est des plus justes dans son rôle de meilleur pote (ou serait-ce de meilleur frère ?) ; il en est un qui marque encore plus ce long métrage, c’est Cédric Kahn. Plus connu sous les traits anonymes de réalisateur (« Roberto Succo » ou « Une vie meilleure » avec Canet et Bekhti), Kahn, en interprétant Isaac le frère, donne à ce rôle une dimension certainement insoupçonnée de son créateur ! Entre déséquilibre, mélancolie et fureur, c’est le rôle de la versatilité et des excès, impeccablement interprété. Assurément un grand tournant dans sa carrière pour ce novice qui n’avait jusque-là joué que dans le « N’oublie pas que tu vas mourir » de Xavier Beauvois.
Sans être trop communautariste, Elie Wajeman nous permet encore d’apprendre sur les traditions juives. Entre drame et comédie, il distille avec une certaine efficacité, suspense et humour, aidé par un casting en or. Une jolie réussite à encourager.
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