© Twentieth Century Fox France
Une femme loue trois panneaux publicitaires aux abords de sa ville pour attirer l’attention sur l’horrible meurtre de sa fille, toujours irrésolu depuis sept mois...
Il y a de la précision d’orfèvre dans le travail d’équilibriste que nous livre à chaque film, Martin McDonagh. Même si "7 Psychopathes" se perdait au final dans trop d’absurdités, le film ainsi que "Bon baisers de Bruges" offraient malices scénaristiques et dialogues caustiques tout en mélangeant avec un certain brio et, surtout, sans complexe, les genres. Cette patte propre au réalisateur, "Three Billboards" la porte complètement et, qui plus est, elle magnifie un film sur un sujet grave rarement traité de cette façon.
Mildred Hayes est crainte par l’ensemble de la ville où elle habite. Il faut dire qu'elle n'a pas sa langue dans sa poche et lance facilement des vacheries quand on la provoque un peu. Cette mère de famille a également perdu sa fille dans d’horribles circonstances, son corps ayant été retrouvé carbonisé. Pour rajouter au sordide, l’autopsie a révélé qu’elle s’était faite violée avant et après son meurtre. Malgré de nombreux prélèvements ADN, rien ne correspond et l’enquête est au point mort. Exténuée, Mildred, campée par une impériale et féroce Frances McDormand (rappelant ses meilleurs rôles dans les films des frères Coen), choisit une solution radicale : provoquer le shérif avec un message cinglant partagé sur trois énormes panneaux publicitaires aux abords de la ville. Cette attaque ne manque pas de faire vivement réagir la petite communauté d’Ebbing qui a beaucoup de respect pour l'homme de loi, en proie à un cancer tenace.
Rien de joyeux dans cette exposition. Pourtant, le réalisateur irlandais compose une délicieuse partition entre drame et comédie taclant des sujets aussi divers que la vengeance, les préjugés, le racisme des flics, la classe ouvrière américaine, l’opportunisme des médias autour du sensationnel... Il est impressionnant de remarquer avec quelle efficacité McDonagh balance nos émotions à travers un spectre vraiment large. Il n’est pas rare de s’esclaffer pour ensuite tirer une larme (ou vice versa) tant les rythmes de cette « dramédie » s’enchaînent avec virtuosité. C’est un véritable numéro d’équilibriste auquel s’adonne le réalisateur et ses acteurs sont tous plus excellents les uns que les autres.
L’intensité est constante, portée par des performances sans faille venant appuyer un solide scénario primé lors du 74e festival de Venise. Sam Rockwell est parfait en policier demeuré et raciste, Woody Harrelson touchant en shérif de bonne volonté mais coincé par manque de preuve, Caleb Landry Jones et Peter Dinklage sont tour à tout attendrissants et hilarants. Que ce soit pour leur personnalité ou leurs dialogues, l’écriture des personnages est ciselée et aucun d'entre eux n’est laissé pour compte. Même les rôles les plus secondaires comme Jérôme le colleur d’affiche (Darrell Britt-Gibson) ou Penelope (Samara Weaving) la nouvelle femme écervelée de l’ex-mari de Mildred, brillent grâce à de fabuleux dialogues faisant mouche à tous les coups. En clair, nous avons affaire-là à un grand film qui sera pour sûr un sérieux candidat dans la course aux Oscars !
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