© Carlotta Films
24 heures dans la vie de la célèbre rock star d’origine australienne Nick Cave. Une journée en apparence comme les autres, mais où les notions de réalité et de fiction finissent par se brouiller et s’entrelacer…
Il fallait bien remettre les compteurs à zéro pour espérer percer cette fascinante énigme qu’est Nick Cave. L’homme se réveille le matin de son 20 000ème jour sur Terre, et qu’importe les 19 999 précédents jours – un compteur fulgurant aura vite fait de les expédier à vitesse grand V pendant le générique de début. L’heure est au « bilan » pour cet artiste australien pluridisciplinaire, ayant exploré à peu près toutes les formes d’arts (cinéma, musique, écriture, littérature, poésie, etc…) jusqu’à en devenir quasiment insaisissable. Mais si l’artiste se livre ici comme peu d’artistes ont su le faire, il vaut mieux ne pas s’attendre à un film-bilan supposé tel quel, et encore moins à une autobiographie pédante telles que se la fantasment bon nombre d’artistes désireux de tirer leur portrait avant de tirer leur révérence. La réussite du concept de "20 000 jours sur Terre" aura été d’adhérer subtilement aux codes de la fiction, avec tout ce que cela sous-entend de troubles, d’ambiguïtés et de surprises. Tout semble faux, mais tout doit sûrement être vrai. À moins que…
Une journée dans la vie de Nick Cave, donc : rendre visite à ses amis de Brighton, aller chez le psy (joué par un acteur, on précise), répéter son nouvel album Push the sky away, rentrer chez soi le soir pour manger une pizza avec ses enfants tout en regardant "Scarface", etc… Des éléments scénarisés de A à Z, du moindre échange verbal jusqu’à la voix-off de Cave, qui servent aux deux réalisateurs (issus de l’art contemporain) de bases narratives pour mieux épouser l’état d’esprit de l’artiste. Le pouvoir du 7ème Art est sans cesse mis à disposition, souvent avec une vraie attention portée à l’expérimentation – voir le générique de début – et à la portée contemplative du montage. Le film dispose d'ailleurs d'un montage à la fois en stase et en mouvement, mais qui, pourtant, se fait souvent trompeur au point de brouiller la frontière entre réalité et fiction : il suffit de voir comment les raccords de plan d’une scène à une autre en arrivent à refléter le switch d’une zone de mémoire à une autre. Sans parler de la présence de quelques apparitions surprises (dont l’acteur Ray Winstone et la chanteuse Kylie Minogue) sur la banquette arrière de la voiture de Cave, qui installent le film au carrefour de la confession intime et de l’errance mentale.
Fondamentalement hybride dans sa construction, "20 000 jours sur Terre" ne serait pourtant qu’une vaine théorisation arty s’il n’injectait pas un vrai humour dans ses échanges, une mélancolie déchirante qui sous-entend chaque confession de Nick Cave, et surtout une utilité narrative à part entière dans ses scènes musicales. Ces dernières, juxtaposées à chaque fois après une confession, acquièrent ainsi une puissance émotionnelle rare, d’autant que la voix caverneuse de Cave constitue en soi un spectacle grandiose. Car, oui, l’émotion est toujours là, vivace et imposante, accompagnant du début à la fin un artiste définitivement unique, bel et bien conscient qu’une nouvelle destinée s’ouvre désormais devant lui maintenant qu’il a dit adieu à ses démons. Push the sky away, yeah…
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