DOSSIER

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ZOOM SUR UN GENRE : le western (4/4)


Le Western étant devenu depuis le début des années 1980 un genre ringard et financièrement suicidaire (voir « Les Portes du paradis » de Michael Cimino), les réalisateurs, parfois de jeunes débutants, doivent user de subterfuges ingénieux pour tourner leur film. La meilleur solution : déplacer leur histoire dans une époque plus contemporaine, voir futuriste.


LE WESTERN LEGACY

Qu’ils soient référentiels, satiriques ou de véritables hommages au genre noble que Wayne et Eastwood ont porté sur grand écran, ces films sont les prolongements logiques d’une époque révolue et d’un genre qui n’a pas dit son dernier mot.
Voici 10 films clés, héritiers du genre westernien.

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1 – ASSAUT (Assault On Precinct 13) de John Carpenter avec Austin Stoker, Nancy Loomis (1976)

Le lieutenant Ethan Bishop s’apprête à passer une journée tranquille avant la fermeture du commissariat du Central 13. Un convoi de prisonnier transportant notamment le dangereux Napoléon Wilson est obligé de s’arrêter au central 13. Au même moment, un homme, qui vient juste de tuer un chef de gang, s’y réfugie. Pris d’assaut par un ennemi en grande supériorité numérique, Bishop se voit dans l’obligation d’armer les prisonniers.

John Carpenter est sans aucun doute l’homme dont la carrière aura été la plus influencée par le western, alors qu’il n’a jamais tourné de film avec de « véritables » cowboys. « Rio Bravo » d’Howard Hawks est d’ailleurs l’œuvre matricielle de la filmographie de Big John, tant la construction du film d’Hawks se retrouve dans plusieurs films du maître du fantastique. Carpenter ira même jusqu’à utiliser le pseudonyme de John T. Chance, le nom du personnage interprété par John Wayne dans « Rio Bravo », pour se créditer au montage de son film. Carpenter ayant désormais lui-même une longue liste d’héritiers, « Assaut » sera remaké au moins par deux fois : « Nid de guêpes » de Florian Emilio Siri et « Assaut sur le central 13 » (le remake officiel) de Jean-François Richet. A travers « Assaut », Carpenter aura permis à « Rio Bravo », et donc au Western, d’avoir encore une longue espérance de vie.

2 – NEW YORK 1997 (Escape From New York) et LOS ANGELES 2013 (Escape From Los Angeles) de John Carpenter avec Kurt Russell, Donald Pleasance, Lee Van Cleef, Ernest Borgnine, Isaac Hayes, Harry Dean Stanton, Stacy Keach, Pam Grier, Georges Corraface (1981 et 1996)

1997. L’île de Manhattan est devenue une véritable ville prison abritant les plus dangereux criminels du pays, mais également les personnes rendus indésirables par un état totalitaire et fasciste. Quand Air Force One s’y écrase, Snake Plissken, l’un des braqueurs les plus recherchés des Etats-Unis, se voit offrir l’opportunité d’une grâce présidentielle. Il devra pour cela récupérer le président des Etats-Unis désormais perdu dans la jungle urbaine criminelle, dirigée d’une main de fer par Le Duke.

2013. Après qu’un tremblement de terre ait ouvert la faille de San Andreas, Los Angeles est devenu une île utilisée par le gouvernement pour y loger les indésirables et les criminels. Cuervo Jones, qui dirige l’île et ses prisonniers, réussit à convaincre la fille du président des Etats-Unis de l’y rejoindre et de lui apporter les commandes d’un satellite pouvant réduire à néant les forces militaires américaines. Le gouvernement fait appelle à Snake Plissken pour récupérer cette télécommande en échange d’une grâce présidentielle pour ses crimes.

Avec « New York 1997 » et sa suite/remake, John Carpenter et son fidèle acteur Kurt Russell vont créer l’un des personnages les plus « bad-ass » de l’Histoire du cinéma : Snake Plissken. Sorte de prolongement de « l’homme sans nom », le borgne (une référence à Rooster Cogburn de « True Grit » avec John Wayne ?) le plus célèbre de la galaxie est prêt à tout pour arriver à ses fins, c’est à dire survivre. Dans « L.A. 2013 », il n’hésite pas à tirer sur trois hommes en trichant lors d’un duel faisant le lien direct avec le western spaghetti, mais il n’en reste pas moins un homme d’honneur souhaitant une véritable justice. Le monde décrit dans ce futur pas si imaginaire que cela est dur, tout comme il l’était à l’époque de la conquête de l’Ouest. Carpenter multiplie les références au genre : le « méchant » du 1er s’appelle le « Duke » surnom légendaire de John Wayne (indiquant peut être de quel côté de la barrière se trouvent les « bons » et « mauvais » citoyens), Lee Van Cleef est un ancien habitué du Colt (on pourrait même y voir une sorte de vengeance de son personnage d’Esperanza en envoyant Kurt Russel/Eastwood au casse pipe)… Big John et Russell n’en oublient pas de rendre leurs films engagés politiquement, dénonçant l’Amérique reaganienne et allant même jusqu’à recréer la psychose des missiles cubains et de l’invasion communiste révolutionnaire dans leur deuxième opus.

3 – GHOSTS OF MARS de John Carpenter avec Natasha Henstridge, Pam Grier, Ice Cube, Jason Statham (2001)

En 2176, Mars est devenu une colonie minière habitée par quelques colons. Helena Braddock (Grier) et Melanie Ballard (Henstridge) sont chargées de récupérer le criminel Désolation Williams (Ice Cube) dans la prison de Shining Canyon. Elles arrivent dans une ville déserte dont les habitants ont tous été massacrés.

Poussant encore plus loin l’expérience et l’expérimentation proposées avec « Assaut » et le diptyque de Snake Plissken, Carpenter, pour ce qui à l’époque était censé être son film d’adieu, tourne le western-like le plus poussé, le plus abouti… et le plus martien ! En partant du postulat des justiciers retranchés dans une prison encerclée alors qu’ils escortaient un très dangereux criminel, Carpenter y ajoute une nouvelle dimension et ce, en recréant l’univers d’une ville frontière de l’Old West en colonie minière martienne. On retrouve tous les éléments westerniens typiques : le saloon, la prison, le train (qui comme à son habitude est moteur d’évolution), les justiciers, les bandits (dont un Ice Cube « snakeplisskenien » à souhait) et les « ghosts », qui replacent ici les indiens, bien décidés à reprendre le contrôle de leur territoire. Carpenter conclut à la fois son film, son œuvre et l’histoire du western par un juste tribut aux « natifs » du pays qui l’a vu naître.
Lire la critique de « Ghosts Of Mars »

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4 – EL MARIACHI / DESPERADO / DESPERADO 2 (Once Upon A Time In Mexico) de Robert Rodriguez avec Carlos Gallardo, Antonio Banderas, Dany Trejo, Chech Marin, Johnny Depp, Quentin Tarantino, Salma Hayek (1992, 1995 et 2003)

Le mariachi, un guitariste ayant vu sa fiancée se faire tuer par un baron de la drogue, compte bien obtenir sa vengeance en semant la mort des criminels se trouvant sur son passage. Il deviendra une figure emblématique et légendaire du Mexique de la lutte contre la drogue.

Alors que le pitch pourrait laisser croire à un « revenge movie », « El Mariachi » et son remake « Desperado » sont des prolongements modernes du western. Les titres annoncent à eux seuls le genre. Le personnage du musicien, joué par Carlos Gallardo puis par Antonio Banderas, à tout du despérado solitaire, arrivant dans une petite ville isolée et décimant la moitié de sa population corrompue par la crime (nous ne sommes pas loin de « L’Homme des hautes plaines » d’Eastwood). Dans son 3e film, Rodriguez va encore plus loin en essayant de proposer une œuvre épique citant jusque dans son titre original les œuvres de Sergio Leone.
Lire la critique de « Desperado 2 - Il Etait Une fois au Mexique »

5 – 800 BALLES d’Alex De La Iglesias avec Sancho Garcia, Luis Castro, Carmen Maura (2002)

Le désert de Tabernas, en Espagne, près de la région d’Almeria, est le site ou la quasi totalité des westerns européens furent tournés. Les décors sont encore présents, mais une poignée d’entrepreneurs, accompagnés de la police, veut les détruire. Julian et ses amis, qui travaillaient comme cascadeurs dans cette ville, la défendront jusqu’au bout…. avec seulement 800 balles.

« 800 balles » est une déclaration d’amour à un genre quasi disparu (voir complètement pour le genre spaghetti), à travers la défense d’un de ses lieux mythiques de tournage. Julian et ses amis repoussent un envahisseur voulant les détruire, de la même façon que des cowboys auraient pu repousser une attaque d’Indiens. L’atmosphère des westerns spaghettis est omniprésente et leurs clichés sont légions, dans ce film accessible à tous et empli d’une grande cinéphilie.
Lire la critique de « 800 Balles »

6 – RETOUR VERS LE FUTUR 3 (Back To The Future Part III) de Robert Zemeckis avec Michael J. Fox, Christopher Lloyd (1990)

Marty doit retrouver Doc, vivant désormais dans le l’Ouest en 1885.

Pour le troisième et dernier épisode de sa célèbre trilogie, Robert Zemeckis se fait plaisir en déplaçant son histoire dans le vieil Ouest, époque fantasmée par bon nombre de réalisateurs. On l’apprend dans le making of, Zemeckis voulait envoyer Marty et Doc visiter l’époque qui a vu naître leur pays et leur Histoire. Zemeckis mélange habillement tous les styles du western : Marty s’appelle Clint Eastwood, est habillé comme un cowboy du western classique (il commence son aventure en 1955) pour se retrouver ridiculisé par des cowboys « réalistes » (western moderne). L’histoire est avant tout prétexte pour Zemeckis à se faire plaisir tout en nous divertissant, mais en gardant néanmoins une dose de nostalgie propre à cette époque (et à sa trilogie et ses personnages), à travers la photographie de Marty et Doc devant la célèbre horloge. Point culminant du film : l’utilisation d’une porte de poêle à chauffer par Marty pour se protéger dans un duel… alors qu’il avait vu Eastwood le faire dans « Pour une poignée de dollars », dans la scène où Biff regarde le film de Leone dans « Retour vers le futur 2 » !

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7 – THE POSTMAN de et avec Kevin Costner, Will Patton, Larenz Tate, Olivia Williams (1997)

Dans un futur post apocalyptique, le général Bethlehem impose son pouvoir par la force sur les restes d’une civilisation détruite. Un voyageur solitaire, le Postman, s’oppose à lui.

Ayant subi l’un des plus lourds échecs des années 1990 avec « Waterworld », Costner rempile avec un film post apocalyptique et le mixe avec son genre préféré, le western. Bien que non dénué d’intérêt, le film est un nouvel échec pour Costner, qui prouve une fois de plus que le western n’est pas un genre forcement rattaché à une époque, mais à des codes et à des valeurs.

8 – THE PROPOSITION de John Hillcoat avec Guy Pearce, Ray Winstone, Danny Huston, John Hurt, Emily Watson (2005)

1880, en Australie. Quatre frères commettent un horrible massacre sur une famille. Le Capitaine Stanley en arrête deux. Il propose au cadet d’aller retrouver son frère, cerveau de la bande, et de le ramener vivant, sinon son autre frère sera pendu.

Inspiré de faits réels, le film de John Hillcoat se réapproprie les codes du genre westernien pour les transposer dans son Australie natale.
Lire la critique de « The Proposition »

9 – NO COUNTRY FOR OLD MEN de Joel et Ethan Coen avec Tommy lee Jones, Javier Bardem, Josh Brolin, Woody Harrelson (2007)

Llewelyn Moss, un chasseur se trouvant sur la frontière entre le Mexique et le Texas, découvre les cadavres de trafiquants de drogues et une mallette contenant une forte somme d’argent. Il est dès lors poursuivi par un tueur psychopathe chargé de récupérer l’argent, ainsi que par un vieux shérif désabusé.

Avec « No Country For Old Men », les frères Coen nous rappellent que même de nos jours, l’Ouest n’est pas tout à fait mort dans certaines régions. A la fois jumeau et miroir de « Fargo » (la nature écrasante, l’argent pervers, le tueur et un shérif dépassé), « No Country » est un film mélangeant les genres, celui du film noir et celui du western. Le film est un énorme succès critique et prouve que le western n’est peut être pas si mort que ça, si l’on sait le rendre séducteur en lui donnant de nouveaux atouts. Les frères Coen reviennent d’ailleurs au genre de façon spectaculaire, deux films plus tard, avec « True Grit ».


10 – RED DEAD REDEMPTION, jeu vidéo des studios Rockstar (2010)

John Marston, ancien desperado sans pitié et sans morale, rangé de sa vie de criminel, va devoir retrouver ses anciens acolytes et les éliminer s’il veut revoir sa femme et son fils, détenus par des membres peu scrupuleux s’une agence gouvernementale.

« Red Dead Redemption » n’est pas un film. C’est un jeu vidéo sorti sur Playstation 3 et X-Box 360. Mais sa présence dans ce classement est d’une grande importance. Alors que le western s’est retrouvé développé dans d’autres médias que le cinéma, et notamment dans de nombreuses déclinaisons vidéo ludiques, jamais un jeu n’avait été aussi proche d’une expérience cinématographique et fidèle à un genre. Reprenant une multitude de catégorie westerniennes (le classique américain, le spaghetti, le contestataire, le zapatiste…), celui que tout le monde appelle désormais « Red Dead » est à la fois un formidable hommage au genre et un « kick » qui lui permettra peut-être de redevenir à la mode. Le réalisateur John Hillcoat a même réalisé un film d’une trentaine de minutes à partir des cinématiques (et d’autres éléments fournis par Rockstar, les producteurs du jeu).

Entre les énormes succès public récents de « Red Dead Redemption » et de « True Grit », il est fort possible que le western soit remis au goût du jour. Mais si ce n’est pas le cas, nous savons qu’il continuera d’exister dans le cœur de beaucoup de réalisateurs, qui n’hésiteront pas à le dissimuler à travers des œuvres aussi atypiques que variées.
Le Western n’est pas mort, il chevauche juste vers le soleil couchant.



Lire les parties précédentes :

1ère PARTIE : LE WESTERN CLASSIQUE AMERICAIN


2e PARTIE : LE WESTERN SPAGHETTI


3e PARTIE : LE WESTERN MODERNE

François Rey

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