A LA RECHERCHE DE LA VERITE
Plus ou moins consciemment, il est acquis à tort ou à raison qu’un Biopic se doit de retranscrire avec le plus d’exactitude possible la réalité du personnage dont on narre la vie. Et paradoxalement, cette intention à priori légitime s’est avérée à maintes reprises inefficace. Car le cinéma de fiction, à trop lorgner du côté du documentaire, est tôt ou tard rattrapé par des velléités romanesques qui s’accommodent mal du naturalisme exacerbé. Et inversement. Car nombre de biopics doivent leur ratage à cette idée simple : mêler adroitement art de la fiction (qui par essence fait sien le réel pour mettre en lumière telle pensée ou telle émotion) et l’inscription de celle-ci dans une réalité historique. En réponse à cette équation : des centaines de films, du navet au chef-d’œuvre, du quasi documentaire au biopic où l’aspect biographique n’est qu’un détail ou un moyen, et non une fin.
Et comme souvent, les exemples les plus intéressants proviennent de cinéastes émérites (n’adapte pas la vie d’une célébrité qui veut), avec plus ou moins de bonheur.
Parmi les adeptes du biopic, le nom d’Oliver Stone figure sur le haut de la pile. On doit notamment au cinéaste frénétique Né un 4 juillet (1989) et The Doors(1991), soit un ratage total et une réussite remarquable. Le premier doit son échec (car les oscars qu’il a reçu n’enlève rien à la nullité de ce film) à deux éléments distincts : le choix d’un Tom Cruise dont la crédibilité en tant que vétéran du Vietnam est plus que douteuse, et l’implication sans le moindre recul d’un réalisateur qui s’épuise dans une démonstration vaine et manichéenne. Le second tire sa réussite d’un processus totalement inverse : Val Kilmer est hallucinant en Jim Morrison (revoir des images d’époque en est une preuve éloquente), et surtout Stone construit son film sur l’œuvre poétique et musicale du chanteur, lorgnant donc vers le mystique, touchant à sa dimension réelle : celle d’un génie artistique.
Ce procédé, c'est-à-dire mettre en scène le génie d’un homme plus que l’homme en lui-même est le leitmotiv d’un des plus grands réalisateurs de biopic : Milos Forman. En effet, le formidable Amadeus(1984), au-delà de la découverte de la vie de Mozart, vaut essentiellement pour sa célébration du génie. A ce titre, la séquence où Mozart mourrant dicte son fameux Requiem à Salieri est une merveille absolue, ne tombant pas dans le piège du sentimentalisme funeste pour exacerber avec lyrisme le miracle de la création et du génie artistique. Cette optique de mise en scène sera renouvelée 15 ans plus tard dans l’excellent Man on the Moon (1999), où loin de lever le voile sur la véritable personnalité du comique Charlie Kaufman, Forman en exacerbe la folie créative, construisant un nouvel édifice consacré aux affres de la création plus qu’au quotidien de l’homme.
Chez Stone, Forman, le biopic devient un mode de réflexion sur l’art et sa dimension spirituelle. Plus que la vérité des faits, il s’agit de toucher à la vérité des êtres et du monde.
Darkman
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