Difficile de louer l’année 2016 avec ses attentats, ses dérives populistes, ses disparitions de stars ou encore le succès du pseudo-rappeur Jul. Tant de catastrophes méritent pourtant qu’on s’attache à ce que le cinéma nous a apporté de bon. Or la qualité globale génère une certaine frustration à l’heure du bilan ! Un astérisque (*) signalera donc une partie des recalés qui n’ont pas réussi – parfois de justesse – à se frayer une place dans le top 10.
En 2016, bonne nouvelle : le cinéma a été très féminin et féministe. Si Cannes a raté l’occasion de donner une successeure à Jane Campion en oubliant de récompenser « Toni Erdmann » (on ne s’en remet toujours pas), plusieurs femmes cinéastes ont marqué l’année : Maren Ade donc, et Houda Benyamina (« Divines »*), Leena Yadav (« La Saison des femmes »*), Delphine et Muriel Coulin (« Voir du pays »*), Ida Panahandeh (« Nahid »*), la regrettée Sólveig Anspach (« L’Effet aquatique ») ou encore Céline Sciamma, qui n’a rien réalisé mais proposé deux beaux scénarios (« Ma vie de Courgette » et « Quand on a 17 ans »). Le cinéma continue d’interroger la condition féminine et de bousculer les normes patriarcales, en Inde (« La Saison des femmes », « Déesses indiennes en colère ») en Iran (« Nahid », « Le Client »*), en France (« Divines », « Voir du pays », « Les Filles au Moyen Âge »), aux Etats-Unis (« Zootopie », « Carol », « SOS Fantômes ») ou au Vanuatu (« Tanna »). Certains questionnent des thématiques précises comme le mannequinat (« The Neon Demon »*, « L’Idéal »). Outre ces films, d’autres ont su valoriser leurs héroïnes ou des personnages féminins plus secondaires : « Premier Contact », « Tout en haut du monde »*, « Les Huit Salopards »*, « La Loi de la jungle », « Miss Peregrine et les enfants particuliers »*, « La Bataille géante de boules de neige », « Colonia », voire « 10 Cloverfield Lane », « Adopte un veuf » ou « La Tour 2 contrôle infernale » (si, si).
Et on ne le répètera jamais assez : l’inégalité femmes-hommes et les discriminations anti-LGBT sont intimement liées car le fruit de processus identiques. Là aussi, le 7e Art a su apporter de nouvelles illustrations de ces réalités, de l’homosexualité au transgénérisme (outre ceux déjà cités : « Mademoiselle » (photo ci-contre), « La Sociologue et l’Ourson »*, « The Danish Girl »*, « Man on High Heels »*, « Ma Loute »).
L’autre enseignement majeur de 2016, c’est l’excellente santé de l’animation. La preuve ici avec les 3 présents dans le top 10 : « Ma vie de Courgette » (un bijou made in Rhône-Alpes !), « La Tortue rouge » (enfin un long métrage du réalisateur des courts « Le Moine et le Poisson » et « Père et Fille » !) et « Zootopie » (qui confirme avec bonheur la pixarisation de Disney !). J’ai l’intuition que « Louise en hiver » aurait pu y figurer mais c’est un des rares films que je suis vraiment déçu d’avoir manqué. Cette vitalité est aussi visible dans la diversité technique, thématique et culturelle : le très sensible « Tout en haut du monde », le subversif « Sausage Party » ou encore les imparfaits mais honorables « La Bataille géante de boules de neige », « Le Monde de Dory », « Mini et les Voleurs de miel » et autres « Les Nouvelles Aventures de Pat et Mat ».
Je dois par ailleurs avouer que, malgré plus de 80 films vus, je n’ai découvert que 3 documentaires : l’atypique et nécessaire « Le Sociologue et l’Ourson »* (photo ci-contre), le malicieux « Where to Invade Next » et l’intéressant mais décevant « Fuocoamarre ». Mais j’ai l’intuition que 2016 était aussi une très grande année pour ce genre car la liste des films qui m’attiraient est ahurissante : « Homeland, Irak année zéro », « Jodorowsky’s Dune », « La Sociale », « Merci Patron ! », « Free to Run », « Swagger », « No Land’s Song », « L’Homme qui répare les femmes », « Le Mystère Jérôme Bosch », « Homo Sapiens »… Et j’en oublie !
Enfin, je ne résiste pas à citer quatre titres qui m’ont procuré plaisir ou émotions mais que je n’ai pas réussi à évoquer autrement qu’en vrac : « Diamond Island », « L’Ange blessé », « Elvis & Nixon », « Dernier train pour Busan ».
TOP 10 films
1. Toni Erdmann, de Maren Ade
2. Guibord s’en va-t-en guerre, de Philippe Falardeau
3. Captain Fantastic, de Matt Ross
4. Ma vie de Courgette, de Claude Barras
5. Premier contact, de Denis Villeneuve
6. La Tortue rouge, de Michael Dubok de Wit
7. Zootopie, de Byron Howard et Rich Moore
8. La loi de la jungle, de Antonin Peretjatko
9. Mademoiselle, de Park Chan-wook
10. Demolition, de Jean-Marc Vallée
FLOP 5 films
1. Les Visiteurs : La Révolution, de Jean-Marie Poiré
2. Gods of Egypt, d’Alex Proyas
3. Independence Day : Resurgence, de Roland Emmerich
4. Un homme à la hauteur, de Laurent Tirard
5. Ma Loute, de Bruno Dumont
TOP 5 acteurs
1. Peter Simonischek (Toni Erdmann)
2. Leonardo DiCaprio (The Revenant)
3. Eddie Redmayne (The Danish Girl - photo ci-contre)
4. Shahab Hosseini (Le Client)
5. Mark Ruffalo (Spotlight)
TOP 5 actrices
1. Jennifer Jason Leigh (Les Huit Salopoards)
2. Kim Tae-ri (Mademoiselle)
3. Alicia Vikander (The Danish Girl)
4. Kate Winslet (Steve Jobs)
5. Elle Fanning (The Neon Demon)
TOP 5 réalisateurs
1. Maren Ade (Toni Erdmann)
2. Nicolas Winding Refn (The Neon Demon)
3. Park Chan-wook (Mademoiselle)
4. Alejandro González Iñárritu (The Revenant*)
5. Danny Boyle (Steve Jobs*)
TOP thématique
Les personnages qui ont du clito !
Comme ce thème fait référence à une réplique de « Divines » (« T’as du clitoris ») et à sa variante abrégée dans le discours de sa réalisatrice lors de la remise de la Caméra d’or (« T’as du clito »), ce film est arbitrairement hors classement (HC).
HC. Divines, de Houda Benyamina
1. SOS Fantômes, de Paul Feig (photo ci-contre)
2. Les Huit Salopards, de Quentin Tarantino
3. Man on High Heels, de Jang Jin
4. La Loi de la jungle, d’Antonin Peretjatko
5. égalité : Déesses indiennes en colère, de Pan Nalin / La Saison des femmes, de Leena Yadav
TOP thématique
Des correspondances thématiques (parfois improbables)
1. Se déguiser pour exister : Toni Erdmann, de Maren Ade / Hibou, de Ramzy Bédia
2. Être stagiaire, ça peut être totalement absurde : Guibord s’en va-t-en guerre, de Philippe Falardeau / La Loi de la jungle, d’Antonin Peretjatko
3. Repenser sa vie et son regard après un deuil : Demolition, de Jean-Marc Vallée / La Nouvelle Vie de Paul Sneijder, de Thomas Vincent
4. Une vision humaniste des relations franco-algériennes : La Vache, de Mohamed Hamidi / Good Luck Algeria, de Farid Bentoumi
5. Être clown, ce n’est pas toujours drôle : Chocolat, de Roschdy Zem / L’Étoile du jour, de Sophie Blondy (et aussi Les Ogres, de Léa Fehner, que j’ai malheureusement raté)
Révélation de l’année 2016
Tout n’est pas mauvais dans « Ma Loute », qui tient plus du ratage que du navet. Si Bruno Dumont gâche le potentiel de son scénario (misanthropie palpable, mise en scène indigeste, absence de maîtrise humoristique, et étrange plaisir à faire mal jouer ses acteurs), une lumière passe entre les gouttes : l’énigmatique Raph, qui exploite à merveille l’ambiguïté sexuelle de son personnage. Espérons que sa carrière ne s’arrêtera pas à ce désolant objet filmique.
>>> En partenariat avec l'association EgaliGone
Raphaël Jullien
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