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LES MEILLEURS FILMS DE 2015 SELON GUILLAUME GAS


L’information sera de toute façon reprise un peu partout : 2015 restera une année noire, épouvantable de par une actualité qui aura enfilé les mauvaises nouvelles avec un stakhanovisme pour le moins déprimant. Côté cinéma, en revanche, c’est peu dire que l’inverse aura su se concrétiser : tant de propositions de cinéma fortes, tant de révélations fracassantes, tant de confirmations éclatantes, tant de surprises inattendues. Première surprise, et pas des moindres : le festin gargantuesque des sorties salles aura même réussi à éclipser une large partie du festival de Cannes, pour une fois refroidi en raison d’une compétition relativement faible et de sélections annexes bien plus intéressantes (cette année, les vraies claques de la Croisette se trouvaient hors compétition ou à la Quinzaine des Réalisateurs). Mais pour autant, il sera difficile de dresser le bilan de cette année et de justifier ses dix films préférés en n’étant pas tenté de le mettre en parallèle de l’actualité, histoire d’en tirer quelques précieuses leçons pour l’avenir, celui du cinéma autant que celui de notre société. Autant y aller franco, donc…

Le simple fait de placer le divin Terrence Malick en tête du classement ci-dessous a déjà un impact. Loin du grand cinéaste autrefois statufié devenu pour beaucoup sa propre caricature, le cinéaste prolonge avant tout avec "Knight of Cups" un style de plus en plus évanescent duquel la Beauté – j’assume cette majuscule ! – doit sortir grandie, privilégiée, magnifiée. Celle du sentiment amoureux. Celle d’un passé enfoui qui ne nous quitte jamais. Celle des plus beaux souvenirs que l’on a envie de voir supplanter les plus tristes. Celle d’un cinéma de l’évocation sensorielle la plus pure, où l’image est le seul dialogue, où le dialogue n’est qu’un nappage, où la caméra transporte son audience et capte la grâce qui s’empare de ceux qu’elle filme. De ce genre de kaléidoscope sensitif se dégagent mille émotions, promptes à donner raison à un cinéaste comme Bruno Dumont sur le pouvoir caché du 7e Art : faire en sorte que le spectateur accède à la transcendance.

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Parlez-moi encore d’amour… Avec "Love" (photo ci-contre), Gaspar Noé s’y est attaché cette année en transformant le porno scandaleux tant supposé par sa campagne promo (laquelle aura contribué à dénaturer la sortie en salles du film) en un bouleversant mélodrame sexuel, inondé de nombreux fluides (sperme, salive, larmes) ici plus bouillants que jamais. On connaissait le goût de Noé pour la mélancolie et le besoin d’amour, tous deux présents dans chacun de ses films, mais le voir mettre son âme à nu dans un film à ce point connecté à son propre parcours avait quelque chose de déchirant. Déchirantes furent aussi – mais à un autre niveau – les larmes de déprime versées devant tout un panel de comédies hexagonales, qui auront intronisé le nouvel étalon casse-couilles du rire franchouillard (j’ai nommé Kev « Je suis coiffé comme un dessous de bras » Adams) et offert une médiocrité artistique à nous donner envie de réhabiliter Philippe Clair. Le divorce avec la comédie française est consommé pour de bon…

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Ce qui nous aura permis d’être heureux face à la morosité du monde moderne ne sera pas venu du rire, mais de diverses expériences de cinéma où l’énergie interne déployée se paraît d’un regard humaniste et compatissant sur notre présent. Être témoin du retour d’une solidarité universelle au cœur du futur chaotique et apocalyptique de "Mad Max : Fury Road", tracer l’équilibre entre nos diverses émotions en se confrontant aux cinq personnages-clés de "Vice-Versa" (photo ci-contre), quêter une transcendance de soi-même au lieu de cramer à petit feu sur son propre bûcher des vanités ("Birdman"), trouver sa place dans un globe devenu réseau informatique à ciel ouvert ("Hacker"), sentir viscéralement la perte des repères dans une narration délicieusement spaghettisée ("Réalité"), s’éblouir de figures modernes qui quêtent une paix impossible dans une société corrompue ("Suburra"), renouer avec sa faculté à se laisser émerveiller par un cinéma devenu l’art de tous les possibles ("I") et retendre de nouveau la main vers les plus grandes figures mythologiques qui ont construit notre propre rapport à l’art et à l’univers ("Star Wars Épisode VII").

2015 restera une année noire, c’est certain. Mais de cette épreuve peut-être en sortiront nous plus forts, plus aventureux, avec l’art comme moteur d’évasion autant que comme vecteur d’un humanisme qu’il devient de plus en plus vital d’embrasser. En guise de conclusion, on pourra se contenter de garder en mémoire le message délivré par Brad Bird dans son fabuleux "À la poursuite de demain" (film qui aurait même pu trouver sa place dans ce Top 10) : aujourd’hui, plus que jamais, l’optimisme est un acte de subversion. À méditer…

Top Films
1) Knight of Cups, de Terrence Malick
2) Love, de Gaspar Noé
3) Mad Max : Fury Road, de George Miller
4) Vice-Versa, de Pete Docter
5) Birdman, de Alejandro Gonzalez Iñarritu
6) Hacker, de Michael Mann
7) Réalité, de Quentin Dupieux
8) Suburra, de Stefano Sollima
9) I, de S. Shankar
10) Star Wars Episode VII : Le Réveil de la Force, de J.J. Abrams

Flop Films
1) Cosmos, d’Andrzej Zulawski
2) Les Nouvelles aventures d’Aladin, d’Arthur Benzaquem
3) Robin des Bois, la véritable histoire, d’Anthony Marciano
4) Les Gorilles, de Tristan Aurouet
5) Nos femmes, de Richard Berry

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Top Actrices
1) Charlize Theron ("Mad Max : Fury Road") (photo ci-contre)
2) Rebecca Ferguson (Mission Impossible : Rogue Nation")
3) Marguerita Buy ("Mia Madre")
4) Loubna Abidar ("Much Loved")
5) Laia Costa ("Victoria")

Top Acteurs
1) Michael Keaton ("Birdman")
2) Tom Hanks ("Le Pont des espions")
3) Bradley Cooper ("American Sniper")
4) Michael Fassbender ("Macbeth")
5) Joaquin Phoenix ("Inherent Vice")

Top Réalisateurs
1) George Miller ("Mad Max : Fury Road")
2) Terrence Malick ("Knight of Cups")
3) Denis Villeneuve ("Sicario")
4) Alejandro Gonzalez Iñarritu ("Birdman")
5) Laszlo Nemes ("Le Fils de Saul")


Top Thème : Top 5 des meilleurs premiers films
1) Unfriended, de Levan Gabriadze (photo ci-contre)
2) Hyena, de Gerard Johnson
3) Nous trois ou rien, de Kheiron
4) Comme ils respirent, de Claire Patronik
5) Crosswind, la croisée des vents, de Martti Helde

Révélation de l’année
Martti Helde (réalisateur de « Crosswind, la croisée des vents »)

Guillaume Gas

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