Une année riche en émotions
On a beaucoup pleuré dans les salles obscures cette année. Une effusion de sentiments provoquée le plus souvent par une fatalité irrémédiable : la mort. Qu’elle soit soudaine ou annoncée, elle s’est invitée dans de nombreux films, non pas comme un ressort tragique, mais plutôt comme un sujet à part entière. Pour preuve, on lui a décerné la palme d’or. C’est face à elle que Michael Haneke porte l’« Amour » à son paroxysme. Le romantisme et la passion ne sont que des déclencheurs, la véritable osmose entre deux êtres se dévoile avec le temps, quand le corps vacille.
La mort a tous les pouvoirs, notamment celui d’esquiver le superflu pour retrouver l’essentiel, tel l’amour entre une mère et son fils. Comme le décris si justement les « Quelques heures de printemps » de Stéphane Brizé, mourir dignement n’est pas qu’une question de maladie, c’est aussi dire à ses proches combien on les aime. Camille, dans sa première vie n’a pas eu cette chance. Heureusement, un événement surnaturel la fait « redoubler », lui permettant ainsi de déclamer à ses parents tout l’amour qu’elle leur porte avant que ceux-ci ne disparaissent.
Au travers de ce prisme quelque peu tragique, se dégage une autre thématique très présente dans cette année de cinéma 2012 : la famille. Cette dernière offre aux scénaristes une part de vécu passionnément réaliste. En véhiculant les tourments d’une génération sur celle qui la succède, le manque d’amour familial provoque inéluctablement une quête de reconnaissance destructrice. Que ce soit Laurence (Laurence Anyways) ou Thomas (Oslo 31 août), chacun désespère de trouver sa place en tant qu’individu face aux siens.
Avoir le courage de dire ce qu’on ressent n‘est pas chose aisée, néanmoins certains y arrivent, et cela offre de bien beaux moments de cinéma. Colette et Michel ont oublié avec la routine combien ils s’aimaient et cela donne des angoisses à leur petite fille Rachel. Il faudra l’intrusion d’une voisine pour que Colette avoue sa souffrance de se sentir peu désirable et pour que Michel exprime l’amour inflexible qui lui porte, depuis leur première rencontre, autour d’un plat de boulettes. Des mots qui font du bien comme cette agréable sensation qu’est celle « Du vent dans mes mollets ».
Ainsi, la famille n’est pas que tragédie et pour contrebalancer avec beaucoup de sombres récits, j’ai réservé les deux meilleures places de mon classement à des petites perles profondément optimistes : « I Wish » et « Starbuck ». Qu’ils soient deux ou 533, les frères et sœurs arrivent parfois à se montrer qu’ils s’aiment et surmontent ensemble l’absence de leur géniteur. Bien que riche de contraste, cette année cinématographique fut lourde d’émotion. Une année difficile, résumée en quelques mots par Jean-Louis Trintignant, lors de la Cérémonie de clôture du 65e Festival de Cannes : « Et si on essayait d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple ».
Meilleurs films
1. I wish, de Kore-Eda Hirokazu
2. Starbuck, de Ken Scott
3. Amour, de Michael Haneke
4. Holy Motors, de Leos Carax
5. Turn me on, de Jannicke Systad Jacobsen
6. Oslo, 31 août, de Joachim Trier
7. Camille redouble, de Noémie Lvovsky
8. Laurence anyways, de Xavier Dolan
9. L’Odyssée de Pi, de Ang Lee
10. Babycall, de Pål Sletaune
Pires films
1. JC comme Jésus Christ, de Jonathan Zaccaï
2. Bye Bye Blondie, de Virginie Despentes
3. La Dame de fer, de Phyllida Lloyd
4. Le Magasin des suicides, de Patrice Leconte
5. Des Hommes sans loi, de John Hillcoat
Meilleurs réalisateurs
1. Leos Carax (Holy Motors)
2. Michael Haneke (Amour)
3. Xavier Dolan (Laurence anyways)
4. Valérie Donzelli (Main dans la main)
5. Benh Zeitlin (Les Bêtes du sud sauvage)
Meilleurs acteurs
1. Melvil Poupaud (Laurence anyways)
2. Matthias Schoenaerts (De rouille et d’os, Bullhead)
3. Matthew McConaughey (Killer Joe)
4. Benoît Poelvoorde (Le Grand soir)
5. Jérémie Elkaïm (Main dans la main)
Meilleures actrices
1. Noomi Rapace (Babycall, Prometheus)
2. Emmanuelle Riva (Amour)
3. Hélène Vincent (Quelques heures de printemps)
4. Agnès Jaoui (Du vent dans mes mollets)
5. Noémie Lvovsky (Camille redouble)
Thème au choix : Meilleur « animal »
1. Richard Parker (Le tigre), dans L’Odyssée de PI
2. Billy Bob (Le chien), dans Le Grand soir
3. Le Marsipulami, dans Sur la piste du Marsipulami
4. L’orque, dans De rouille et d’os
5. L’alien, dans Prometheus
Gaëlle Bouché
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