Pixar : à votre bon court, m’sieurs dames ! 1re partie
Pixar, ce n’est pas qu’une prestigieuse liste de longs métrages au succès international mérité ! C’est aussi une belle série de courts métrages, initiée près de dix ans avant la sortie du premier long du studio ("Toy Story", 1995). On peut les répartir en deux catégories : d’une part des créations originales (dont certaines sont projetées en première partie des longs métrages), d’autre part des courts métrages dérivés des longs métrages, généralement créés dans le but d’alimenter les bonus des DVD.
Ces derniers sont généralement de moins bonne facture car ils n’arrivent guère à la hauteur des longs métrages dont ils ne sont qu’une extension souvent moins créative.
En revanche, parmi les créations originales, Pixar a su produire de véritables bijoux d’animation, dont certains sont devenus tout aussi cultes que leurs longs grands frères ! Alors que "Le Parapluie bleu" ouvre les projections de "Monstres Academy", dressons un inventaire (non exhaustif) des productions courtes les plus emblématiques et/ou les plus réussies de Pixar.
"Les Aventures d’André et Wally B." (1984) d’Alvy Ray Smith
Ce très court métrage (deux minutes) est parfois présenté de manière un peu abusive comme le premier film de Pixar. En effet, Pixar n’était alors qu’une division d’effets spéciaux numériques de Lucasfilm, créée en 1979 sous l’appellation de Graphics Group, qui n’a pris son nom actuel que lorsque Steve Jobs a racheté ce studio en 1986.
C’est donc au sein de Lucasfilm que Pixar a légèrement bifurqué vers l’animation avec ce premier essai, historiquement le premier court métrage réalisé entièrement par ordinateur. Et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’était encore très brouillon !
Le scénario (un androïde se fait poursuivre par une abeille et finit par bien se marrer quand l’abeille a essayé de piquer son corps métallique) n’atteint même pas la cheville des plus nuls épisodes de "Tom et Jerry" et autres dessins animés où la poursuite tient lieu de seule motivation. Pire : il n’est pas évident de comprendre qu’il s’agit d’un androïde et le fait que la piqûre se déroule hors champ n’aide pas à la compréhension.
Ajoutons à cela des effets sonores plutôt insupportables. Quant au visuel, ça ressemble plus à un film amateur sans réelle maîtrise technique qu’à une tentative d’animation de spécialistes d’effets spéciaux, mais il faut bien admettre que ce film a été fait dans un contexte quasi préhistorique du développement informatique et que la qualité des décors (une forêt automnale) compense en partie la pauvreté des personnages.
Et il faut bien des arts primitifs pour impulser l’Histoire…
"Luxo Jr." (1986) de John Lasseter
Cette fois on est vraiment chez Pixar et c’est un coup de maître ! Dès ce premier véritable essai, Pixar frappe à la porte des grands, avec un Ours d’argent à Berlin et une nomination aux Oscars. Et pourtant, l’objectif était au départ promotionnel puisque "Luxo Jr." était destiné à montrer les capacités du "Pixar Image Computer", un système de conception graphique mis au point et vendu par Pixar (et dont Disney était l’un des clients), dont l’activité d’animation n’était alors que secondaire.
Mais les mauvaises ventes ont incité la société à se lancer dans l’animation, essentiellement publicitaire. Le succès de "Luxo Jr.", presque un accident, a finalement impulsé un destin inattendu à la société, notamment grâce à un employé talentueux : John Lasseter.
On connaît la suite : la lampe sauteuse, devenu symbole de la réussite de Pixar, est par la suite intégré au logo de la société et "Luxo Jr." connaît une nouvelle carrière, au succès international, quand il est projeté en 1999 en première partie de "Toy Story 2". Près de 30 ans après sa réalisation, ce court métrage reste une référence et continue d’impressionner pour sa technique, surtout quand on considère les moyens techniques disponibles en 1986.
Dans ce génial court métrage, John Lasseter donne ici les véritables bases qui caractériseront la majorité des productions ultérieures de Pixar : un mélange d’humour, de tendresse et de poésie, l’utilisation de détails subtils et d’effets sobres pour créer l’émotion, l’anthropomorphisme maîtrisé à son comble avec de simples objets de la vie courante… Un pur chef-d’œuvre dont la magie semble éternelle. Lasseter tenta de rééditer le même exploit l’année suivante en animant un monocycle dans "Le Rêve de Rouge", avec un défi colossal en termes de détails mais avec un résultat moins magique au final.
"Tin Toy" (1988) de John Lasseter
"Tin Toy" est un autre symbole important pour Pixar puisque ce court métrage a été à la base du projet "Toy Story". Pour la première fois, John Lasseter s’attaque en effet au monde des jouets, après avoir observé son neveu en s’imaginant à la place des jouets qu’il mettait à la bouche. Lasseter donne alors vie à un petit homme-orchestre métallique, dont la préoccupation principale est de plaire à son propriétaire humain (un bébé donc), malgré les risques que cela implique pour son intégrité physique.
À travers son visage, ses mouvements et les sons qu’il produit, le jouet développe alors toute une gamme d’émotions, de la joie à la tristesse en passant par la surprise, le dégoût, la peur, la compassion et la déception.
Ce jouet, initialement prévu comme personnage principal de "Toy Story", a laissé des traces dans le caractère de Woody : conscient de sa condition de jouet, il recherche l’affection des autres, ne manque pas d’égo mais sait aussi faire preuve d’altruisme, de courage et d’abnégation. Si la qualité visuelle du bébé est encore très imparfaite (les êtres humains restant un des défis les plus périlleux de l’animation numérique), ce court métrage est globalement d’une belle réussite, couronnée notamment par l’Oscar du meilleur court métrage d’animation en 1989 (le premier pour Pixar).
"Knick Knack" (1989) de John Lasseter
Les caractéristiques de ce sympathique court métrage peuvent aussi apparaître comme les prémisses de certains éléments des futurs longs métrages et surtout de la franchise "Toy Story" : le bonhomme de neige porte en lui un peu de M. Patate ou de Rex le dinosaure, alors que les bimbos sur lesquelles il fantasme sont en quelque sorte les ancêtres des Barbies version Pixar.
Mais l’aspect le plus réjouissant de ce court réside dans la musique créée par le grand Bobby McFerrin, qui est en grande partie responsable de l’atmosphère du film. "Knick Knack" marque aussi la fin de l’époque pionnière de Pixar, qui se met alors à faire les efforts nécessaires pour produire un long métrage, abandonnant les courts métrages pendant près de dix ans.
Raphaël Jullien
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