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HOMMAGE : Satoshi Kon, la possibilité d'un rêve


Au fond de l’inconscient humain

Un pourvoyeur de rêves. C'est sans aucun doute la définition qui conviendrait le mieux à ce grand cinéaste. De toutes ses créations, le rêve est le lien immuable. Une constante narrative et thématique qui trouvera son aboutissement dans le merveilleux "Paprika", la somme de tous les rêves. Car du thriller psychologique au labyrinthe métaphysique, en passant par la (fausse) biographie romancée, la comédie dramatique humaniste ou l'étude de caractères sociologique, Satoshi Kon n'aura eu de cesse de fouiller l'inconscient humain et d'y chercher ce qui fait l'Homme : le besoin de reconnaissance, l'importance de l'Histoire, l'amitié, et enfin, le rêve.

Qu'il nous parle des névroses d'une pop-star en pleine perdition mentale ("Perfect Blue"), qu'il revisite l'Histoire d'un pays - le Japon - et de son cinéma au travers du destin d'une actrice célèbre ("Millenium Actress"), qu'il dresse le portrait touchant de marginaux dans la jungle urbaine un soir de Noël ("Tokyo Godfathers") ou qu'il s'attache aux comportements vectoriels d'une poignée d'humbles gens ("Paranoia Agent"), Satoshi Kon ne parlait finalement que de l'humain. Et de ce qui le façonne, dans son rapport à l'autre, comme dans son rapport à lui-même.

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Extrême singularité

Cinéphile averti, Satoshi Kon savait utiliser sa culture du film pour mieux l'inscrire dans son gigantesque projet humaniste. Revisitant la perversité psychanalytique et la virtuosité d'un Brian De Palma ou d'un Dario Argento ("Perfect Blue"), insufflant une post-modernité inattendue à l'épique d'un David Lean ou d'un Stanley Kubrick ("Millenium Actress"), retrouvant la verve naïve et la candeur magistrale d'un Frank Capra ou d'un John Ford ("Tokyo Godfathers"), Satoshi Kon ne laissait jamais ses influences prendre le pas sur ses idées, son envie de cinéma. Son idéal de rêve(s).

Une détermination absolue, qui aura permis à ses films de se démarquer du tout-venant de la production animée japonaise, et même mondiale, lui qui ne faisait finalement que réaliser des films. Et quel films ! Tous si différents, et pourtant tous si semblables, trouvant en "Paprika" une conclusion qui apparaît aujourd'hui comme bien trop soudaine. "Paprika", histoire folle d'une "détective des rêves", n'est pas un film aisé à entreprendre. Ludique, vertigineux, complexe, épuisant, drôle, merveilleux... Les adjectifs manquent pour décrire cet écrin parfait à ce que devrait être le cinéma : une plongée sans fond dans les rêves de ceux qui les font. Et qui les vivent.

Darren Aronofsky, autre immense cinéaste contemporain, avait su lui rendre un bel hommage le temps d'une scène de son mémorable "Requiem for a Dream". Une scène d'une simplicité exemplaire, et pourtant si belle, si pure. Et que l'on retrouve, quasi-intacte, dans le dernier film de ce dernier. "Black Swan", histoire de danse et de double, semble être bâti sur le moule du séminal "Perfect Blue" de Monsieur Kon. Qui ne pouvait, dès lors, rêver plus bel hommage.

Un grand homme s'en est allé...

Filmographie

Perfect Blue (1999)
Millenium Actress (2001)
Tokyo Godfathers (2003)
Paranoia Agent (2004)
Paprika (2006)

Frédéric Wullschleger

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