DOSSIER

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CESARS 2011 : résultats et commentaires


Tant annoncée, trop annoncée, la razzia prévue pour « Des Hommes et des Dieux » n’a pas eu lieu. Le palmarès, hormis une ou deux surprises, est au final cohérent et assez juste dans sa relative fragmentation. D’une part, rappelons que la liste des nominés pour le meilleur film était surprenante, comprenant d’agréables comédies (L’Arnacœur) et des films trop décalés pour être légitimement sélectionnés (Mammuth). Mais sans doute l’Académie voulait-elle montrer son éclectisme. Elle en a malheureusement oublié beaucoup d’autres, et notamment d’autres genres, tels l’excellent polar « A bout portant » ou le film choral « Les petits mouchoirs », qui a pourtant connu un beau succès public.



Meilleur film
Des Hommes et des Dieux

Meilleur réalisateur
Roman Polanski

Meilleur acteur
Eric Elmosnino (Gainsbourg, vie héroïque)

Meilleur actrice
Sarah Forestier (Le nom des gens)

Meilleur acteur dans un second rôle
Michael Londasle (Des Hommes et des Dieux)

Meilleure actrice dans un second rôle
Anne Alvaro (Le Bruit des glaçons)

Meilleur espoir masculin
Edgard Ramirez (Carlos, le film)

Meilleur espoir féminin
Leïla Bekhti (Tout ce qui brille)

Meilleur scénario original
Le nom des gens (Michel Leclerc)

Meilleur scénario adapté
The Ghost Writer (Roman Polanski, Robert Harris)

Meilleure première œuvre
Gainsbourg, vie héroïque (Joann Sfar)

Meilleure musique
Alexandre Desplat (The Ghost Writer)

Meilleure lumière
Caroline Champetier (Des Hommes et des Dieux)

Meilleurs décors
Hugues Tissandier (Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec)

Meilleurs costumes
Caroline de Vivaise (La princesse de Montepensier)

Meilleur son
Daniel Sobrino, Jean Goudier, Cyril Holtz (Gainsbourg, vie héroïque)

Meilleur montage
Hervé de Luze (The Ghost writer)

Meilleur court-métrage
Logorama (de H5)

Meilleur documentaire
Océans (Jacques Perrin)

Meilleur film d’animation
L’ilusioniste (Sylvain Chomet)

Meilleur film étranger
The Social network (David Fincher)



UN PALMARÈS PAS SI SURPRENANT

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Tenant compte des films nommés, « Des Hommes et des Dieux » remporte en toute logique la récompense suprême. Sans doute un peu surestimé, le film de Xavier Beauvois, (trop) long, âpre, et rugueux, parle de tolérance entre les religions, et revient avec force sur un massacre ayant réellement eu lieu. Il est de bon ton de dire que les films primés à Cannes sont tous des chefs-d’œuvre, et celui-ci représentant la France, les critiques n’ont pas fait dans la nuance. Néanmoins, le film reste, en des termes politiques, idéologiques et humains, le plus lourd et important des nommés, abordant de front la question des hommes faces aux Dieux, et rappelant que malgré les différences, le respect est bien évidemment possible, mais surtout primordial. En outre, bien que Beauvois parle d’un massacre ayant eu lieu il y a une quinzaine d’année, son film porte une résonnance très actuelle, du fait des récentes polémiques sur l’Islam. Sur scène, le réalisateur, qui peinait à s’exprimer correctement à cause de l’émotion (on en oublierait presqu’il est aussi scénariste), a lancé un appel à la tolérance, et en a profité pour jeter des piques contre Hortefeux et Zemmour. Il a par ailleurs rendu hommage à ses pères cinématographiques, dont fait partie Truffaut. On en oublierait presque que Beauvois a déclaré il y a quelques temps, dans « Première », de manière moins pertinente, que la technique et le métier de réalisateur s’apprenaient en 20 minutes. Et force est de constater que le film ne brille pas par sa technique.

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L’académie l’a remarqué en remettant à Polanski le trophée du réalisateur. Ce geste est, pour cette raison précise, artistique. Etant le seul candidat sérieux pour ce trophée, et étant celui auquel toute l’académie voulait lancer un grand « bravo d’avoir fini le film dans de telles circonstances » (Polanski était alors en prison), difficile d’imaginer une autre issue. Les principales autres récompenses techniques sont allées, toujours pour des raisons artistico-politiques, au même « Ghost Writer ». On dénombre donc pour ce film un César du meilleur montage (Hervé de Luze), de la meilleure adaptation (Polanski et Robert Harris), et de la meilleure musique pour le stratosphérique Alexandre Desplat, qui peut se vanter de deux césars pour six nominations, et de quatre nominations aux Oscars ! Un parcours qui laisse sans voix…

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La seule récompense très surprenante, qui a failli faire succomber votre serviteur à une attaque cardiaque, est le trophée de la meilleure photo à Caroline Champetier pour « Des Hommes et des Dieux ». La filmographie de Madame Champetier n’est en rien remarquable, pas plus que son travail, assez fade. Qu’en France, nous ayons peu de chef-opérateurs de talent est une chose. Que nous crions au scandale lorsqu’un film est soigné visuellement en le comparant à une pub, en est une autre. Mais qu’au final, nous récompensions les moins bons, cela donne une bonne idée de notre ambition artistique… D’autant que pour le compte, le film de Polanski avait une lumière sacrément plus travaillée.


« Le nom des gens », film très touchant, s’en sort avec le César du meilleur scénario original et, donc, celui de la meilleure actrice pour Sara Forestier.
Dans la série erreur de parcours (mais je vous rassure il y en a eu peu), revenons succinctement sur ce cas. Il est déjà impressionnant que Sara Forestier soit parvenue à surpasser Catherine Deneuve, Christine Scott Thomas et Isabelle Carré, mais qu’elle soit arrivée, du haut de ses 26 ans, à dire que sa culotte fétiche avait du lui porter chance et qu’elle était encore vierge au moment de tourner le film… Nous aurions préféré profiter de traits d’esprit plus fins provenant de ses rivales plus matures.

Pour en revenir au palmarès, « Gainsbourg, vie héroïque » se taille une belle part du gâteau en remportant les Césars du meilleur premier film, du meilleur son et du meilleur acteur. Eric Elmosnino était à n’en pas douter exceptionnel, mais il laisse sur le carreau Gamblin (déjà trois nominations) et le grand Lambert Wilson (six nominations). L’énorme surprise de la soirée est par contre venue d’outre-Atlantique, puisque David Fincher est parvenu à remporter le César du meilleur film étranger pour « The Social Network ». Son cinéma étant reconnu par la plupart d’entre nous, certains fronceront les sourcils. Mais le pari était très loin d’être gagné pour Fincher, dont il s’agissait de la première nomination (au bout de huit films). Ce n’est pas si surprenant, lorsque l’on sait que notre chère critique française a commencé à réellement dire du bien de lui avec Zodiac…

Mises à part les surprises pour les acteurs de premier plan, les César du second rôle sont allés à la délicate Ane Alvaro, pour son rôle dans le spécial « Bruit des glaçons », et à Michael Lonsdale dans « Des hommes et des Dieux ». Et fait rare, la cérémonie a été d’une qualité assez correcte, bien amusante grâce à l’iconoclaste Antoine de Caunes.

Viva el cinéma !

Ivan Chaslot

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