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ANALYSE : les métamorphoses de James Bond


A l’heure où Daniel Craig impose un James Bond trahi et meurtri par sa première grande histoire d’amour (Vesper Lynd, la sculpturale Eva Green), - un nouveau James Bond se trouvant dorénavant à l’unisson d’autres grands héros tourmentés de notre temps, l’excellent Jason Bourne de Paul Greengrass et l’énergique Jack Bauer de « 24 h chrono » -, il est intéressant d’effectuer un regard rétrospectif sur ses différentes incarnations à l’écran. Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton et Pierce Brosnan ont successivement endossé le costume du plus célèbre agent secret du monde. Mais comment est donc né l’agent 007 ?

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La naissance en littérature

Faisons un retour en arrière, en 1916, dans une classe de l’école de Durnford, en Angleterre. Le petit Ian Fleming, alors âgé de huit ans, écoute la femme du directeur évoquer les exploits du diabolique Dr Fu Manchu. Dehors, la guerre fait rage : le père de Ian n’en reviendra d’ailleurs jamais. L’enfant se réfugie alors dans le monde imaginaire de ces histoires.

Quelques années plus tard, en 1939, Fleming est affecté aux Services de Renseignements de la Marine, à Londres. Bras droit du vice-amiral John H. Godfrey (qui lui inspirera le fameux « M », patron de James Bond), il est au courant des opérations militaires les plus sensibles de la Seconde Guerre Mondiale.

En janvier 1952, on retrouve Fleming, alors journaliste, en Jamaïque, dans sa résidence baptisée Goldeneye, du nom d’une mission de guerre. A quarante-trois ans, il est sur le point de se marier. Mais il a besoin d’argent pour subvenir à la destinée de sa future famille. Il décide donc d’écrire un livre, Casino Royal, dont le héros est un agent des services britanniques. Reste à trouver un nom à ce personnage. Fleming n’aura pas à chercher bien loin : sur son bureau traîne en effet un livre sur les oiseaux des Antilles, dont l’auteur est un certain … James Bond.

Entre 1952 et 1963, Fleming publie chaque année une nouvelle aventure de son agent fétiche. Ses lecteurs découvrent donc autour de Bond, une pléiade de partenaires hauts en couleur : « M », maître espion et patron bourru, flanqué de son imperturbable secrétaire, Miss Moneypenny, ou encore « Q », le génial inventeur d’armes très spéciales. De leur côté, les malfrats ne sont pas en reste : le terrible Goldfinger n’élimine-t-il pas ses ennemis en les plongeant dans un … bain d’or ?

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Qui pour jouer James Bond au cinéma ?

En 1961, les producteurs de cinéma Albert Broccoli et Harry Saltzman, de chez Eon Productions, décident de porter les aventures de James Bond à l’écran. Mais à qui confier ce rôle vedette ? Le choix de Fleming se porte sur David Niven (qui d’ailleurs le jouera dans Casino Royale de John Huston en 1967) ou Roger Moore. Chez Eon Productions, on préférerait des acteurs tels que Richard Burton ou Cary Grant. L’heureux élu devra s’engager pour toute une série de films et se garder d’être trop gourmand : le budget alloué au premier volet ne dépasse pas en effet le million de dollars.

« Saltzman pense avoir déniché la perle rare » écrit Fleming à un ami en 1961. Un acteur « shakespearien » de trente ans (Timothy Dalton marchera sur ses traces bien plus tard), ancien champion de boxe dans la marine, qui se paie le luxe d’être intelligent ! » La « perle rare » n’est autre que Sean Connery, dauphin de Monsieur Univers, footballeur prometteur et…écossais en manque d’argent. C’est donc à lui que revient l’insigne honneur de jouer dans le premier film, James Bond 007 contre Dr No, qui sortira à Londres en 1962 et connaîtra un succès fulgurant. L’acteur tourne ensuite dans cinq autres films (sans compter le remake du Opération Tonnerre de 1965, à savoir Jamais plus Jamais en 1983), dont le célèbre On ne vit que deux fois : chacun se souvient de cette incroyable scène, inspirée de l’aventure spatiale, où l’on voit des comploteurs armés de fusées et dissimulant une gigantesque aire de lancement à l’intérieur d’un volcan surmonté d’un lac …

Cette belle mécanique s’enraie pourtant lorsque, soucieux de détacher son image du personnage de Bond et insatisfait de sa part des bénéfices, Sean Connery manifeste le désir de partir. Broccoli et Saltzman le remplace « au pied levé » par George Lazenby, un Australien de vingt-neuf ans, mannequin et vendeur de voitures à ses heures. Lazenby se distingue surtout par son arrogance, au point que la collaboration tourne au cauchemar : « Moi, ce qui m’intéresse dans ce rôle, c’est le fric et les filles », déclare-t-il à la presse. L’acteur ne jouera qu’une seule fois le rôle de Bond, dans le film Au Service Secret de Sa Majesté, qui mettra d’ailleurs des années à parvenir à un relatif équilibre financier. Pour Broccoli donc, une seule urgence : remettre James Bond sur les rails. Au soulagement général, Sean Connery accepte de tourner Les Diamants sont éternels.

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La guerre des Bond

Puis vient le tour de l’acteur britannique Roger Moore, initialement pressenti par Ian Fleming et connu pour ses prestations télévisées dans Le Saint et Amicalement Vôtre. Sean Connery incarnait l’énergie et le charisme ; Roger Moore est la décontraction personnifiée. Son style ? Sophistication de bon aloi et humour caustique.

L’été 1983 voit éclater la « guerre des Bond ». Interrompant sa retraite d’agent secret, Sean Connery (qui, bien sûr, fit ensuite la carrière que l’on sait) joue dans le film intitulé fort à propos Jamais plus jamais, dont le producteur exécutif est Kevin McClory. Roger Moore tourne, lui, Octopussy, produit par Broccoli. A ce jeu, c’est Broccoli qui a le dernier mot, avec une recette de 67,9 millions de dollars aux Etats-Unis, contre 55,5 millions pour son adversaire. Jamais le débat sur les différences entre Sean Connery et Roger Moore n’a cessé de passionner les fans de James Bond. « Pour moi, déclare Pierce Brosnan, il n’y a qu’un James Bond, c’est Sean Connery ». Mais ajoute-t-il en souriant, « on dirait bien que moi aussi, j’étais fait pour ce rôle ! ».

Après avoir donc tourné sept films, Roger Moore a fini, lui aussi, par tirer sa révérence. Les deux suivants seront joués par l’acteur gallois Timothy Dalton (peu passionné par le rôle et lui préférant des prestations plus sérieuses de théâtre « shakespearien »), qui cédera en fin de compte sa place à Pierce Brosnan.

L’image de Brosnan et de Desmond Llewelyn (décédé depuis) ensemble sur le tournage de Le Monde ne suffit pas, se matérialise sous la forme d’un affrontement entre l’étoile montante et le vétéran des plateaux de cinéma : voilà un saisissant contraste pour un des plus longs succès de l’histoire du « cinématographe ». Passé et présent se rejoignent pour ainsi assurer le succès futur. Et il y a fort à parier que la saga ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Un espoir que Pierce Brosnan lui-même vient conforter : « Je suis certain que, tapi dans l’ombre, en coulisses, quelqu’un n’attend que mon départ pour se glisser à son tour dans la peau de l’agent 007 ! Quelque part dans le monde, une petite voix prononce peut-être déjà cette formule magique qui fait encore recette : « Mon nom est Bond, James Bond. » Son nom est Craig, Daniel Craig.

Hugues Minot

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