SÉRIE

MASTER OF HORRORS

MASTER OF HORRORS

série créée par Mick Garris

avec

PREMIÈRE DIFFUSION: DIFFUSÉE SUR: Canal+ SITE OFFICIEL

Masters of Horror tient davantage de la collection de films que de la sempiternelle série télévisée. Réalisés par de grands (et de moins grands) noms du cinéma fantastico-horrifique, chaque épisode est totalement indépendant des autres et peut être vue comme une œuvre singulière. Les réalisateurs devaient simplement se conformer aux règles suivantes : 10 jours de tournage, budget identique pour tous, durée d’une heure pour chaque épisode, aucune limite dans la violence graphique, seule la bestialité étant prohibée. Seul Takashi Miike a enfreint cette dernière règle, et son « Imprint » n’a d’ailleurs pas été diffusé aux States par la chaîne Showtime. En France, les épisodes ont été diffusés sur Canal + et viennent d’être édités en dvd dans de superbes éditions. Voici un décryptage critique de chacun des films, la palme revenant à ceux réalisés par John Carpenter et John Mac Naughton. A noter que la diffusion de la saison 2 a débuté aux Etats-Unis, et sans doute bientôt en France.



Sombre et délicieux


Episode 1 : “Incident On And Off A Mountain Road”, réalisé par Don Coscarelli
Niveau 0

Un épisode qui rappelle fatalement Massacre à la Tronçonneuse : une femme poursuivie par un maniaque taxidermiste au visage affreux (ici Moonface remplace Leatherface). L’originalité consiste à faire de la femme non pas une victime mais une guerrière qui loin de subir répond coup pour coup aux attaques dont elle est la victime. Et des flashbacks de nous expliquer comment le mari de la belle l’a enseigné à un self-défense plutôt musclé. Si le traitement visuel de l’affrontement ne démérite pas, l’ensemble sent quand même le survival déjà vu. D’autant que la lourdeur et le schématisme du scénario, ainsi que son assertion limite de l’autodéfense le rendent même parfois franchement désagréable.


Episode 2 : “Dream in the Witch-House”, réalisé par Stuart Gordon
Niveau +2

Stuart Gordon adapte une nouvelle fois Lovecraft dans cette classique histoire de maison hantée. Un jeune étudiant vient y louer une chambre, devenant la proie d’une sorcière et de son rat au visage humain, ses derniers tentant de l’entraîner dans un rituel pour le moins morbide. Un épisode soigné dont l’histoire s’accommode impeccablement du format moyen-métrage. Atmosphère ésotérique, personnages mythologiques, gore : tout y est. Du travail à l’ancienne, presque trop bien fait, qui ne surprendra pas outre mesure les aficionados de Lovecraft.


Episode 3 : “Dance of the Dead”, realise par Tobe Hooper
Niveau +3

Après un holocauste (un nuage toxique se répandant comme la peste), un monde post-apocalyptique décadent se dessine… Et Tobe Hooper de nous y faire basculer sans lésiner sur les moyens. Il traite ici de thèmes hardcore (trafic de sang, de cadavres, anarchie totale, destruction de la cellule familiale…) avec une agressivité et une brutalité bien senties. Montage au cordeau, images limite subliminales, couleurs saturées, décors aux lignes incertaines, tout y est. Un épisode au final délicieusement amoral, politiquement incorrect, tout en gardant une bizarre et incongrue énergie adolescente. Bref une réussite, avec en prime un Robert Englund (Freddy !) en grande forme.


Episode 4 : “Jenifer”, réalisé par Dario Argento
Niveau +2

Frank sauve Jenifer de la mort et recueille cette femme au corps de déesse et au visage de démon… Soit un croisement étrange entre thriller érotique et horreur sanguinolente, entre Jenifer l’amante dévouée et Jenifer la cannibale. Une belle schizophrénie dans laquelle se perdent les hommes, dans un cycle infernal de fascination/répulsion amené à se répéter. Malgré sa musique démodée et son déroulement souvent prévisible, un objet étrange et envoûtant qui a la bonne idée de refuser toute psychologie, d’assumer le gore et de se partager adroitement entre la pure bestialité et la poésie morbide. L’ombre de Dellamorte Dellamore pèse néanmoins sur l’esthétique trop téléfilm du métrage…


Episode 5 : “Chocolate”, réalisé par Mick Garris
Niveau -2

Mick Garris est un cas étrange : capable du meilleur (créer ces Masters of Horror), comme du pire (son adaptation télévisuelle de Shining pour ne citer qu’elle). Cet épisode conforte dans l’idée qu’il est meilleur producteur que cinéaste. Son Chocolate est un total hors-sujet, une variation creuse et en rien horrifique sur le thème de l’amour perdu. Le film ne dépasse jamais son pitch de base (un homme voit, ressent et entend tout ce que vit une belle inconnue) et se perd dans les méandres de l’amour fantasmatique d’un homme que peine à incarner le falot Henry Thomas (le petit Elliott de E.T !). Lymphatique, cousu de fil blanc (la mauvaise idée du flashback en continu), avare en sang frais, rien qui ne justifie une seconde le label Master of Horror.


Episode 6 : “Homecoming”, réalisé par Joe Dante
Niveau +2

Des soldats morts au combat reviennent sur terre… pour voter ! Tel est l’argument éminemment corrosif de cet épisode qui permet de retrouver le trop rare géniteur des Gremlins. S’il n’a rien perdu de son sens de la dérision et de la subversion, Joe Dante se laisse en revanche aller parfois à une sensiblerie de mauvais alois, là où la sécheresse d’un Romero ou d’un Tourneur (auxquels il rend explicitement hommage) aurait été plus appropriée. Dante enfonce des portes ouvertes (une guerre basée sur un mensonge, des élections truquées…), critique sans originalité l’administration Bush, mais le fait bien. Quelques fulgurances cyniques et un final joyeusement anarchiste emportent ainsi l’adhésion. Soit un épisode inachevé, démonstratif, plein de grosses ficelles mais indéniablement sympathique.


Episode 7 : « Deer Woman », réalisé par John Landis
Niveau +2
Une femme-cerf séduit des hommes avant de les massacrer à coups de sabots. Un flic rangé des voitures mène l’enquête. Landis reprend ce qui a fait le succès de son loup-garou de Londres : un tueur mi-humain mi-animal, de l’humour et un style très particulier où le pastiche le dispute au fantastique le plus respectueux des règles du genre. Soit un épisode drôle (avec notamment la vision désopilante d’un homme à tête de cerf), brillamment interprété par un casting très pince sans rire, sans prétention mais totalement décomplexé. L’un des moins Horror de la série des Masters mais amusant d’un bout à l’autre. Donc joie.


Episode 8 : « Cigarette Burns », réalisé par John Carpenter
Niveau +4

John Carpenter reprend ici d’une certaine façon son Antre de la folie, en proposant une variation où l’on recherche un cinéaste et non un écrivain, où c’est un film et non un livre qui rend fou. Car cet épisode raconte comment un jeune exploitant de cinéma va partir à la recherche de La Fin absolue du monde, film ayant la réputation de rendre tarés tous ceux qui s’en approchent ou qui le visionnent, pour le compte d’un richard (le cultissime Udo Kier) complètement barré. Entre polar ésotérique, grand-guignol et mythologie (un film produit par le diable himself dans lequel un véritable ange apparaît !), Carpenter érige avec sa précision de vieux briscard et sa parfaite maîtrise de l’art cinématographique (ah ! si tous les cinéastes cadraient ainsi au millimètre…) un conte hanté par la mort et les figures de l’au-delà. Et comme à chaque fois qu’il confronte la mythologie fantastico-horrifique (voir Le Prince des ténèbres, l’Antre…,The Fog, etc…) à un climat extrêmement réaliste, Big John crée cette inimitable tension qui emporte l’adhésion. Le Master c’est lui !


Episode 9: « Fair-Haired Child » réalisé par William Malone
Niveau +1

Dans cette histoire vaguement faustienne, un couple sacrifie des vierges pour nourrir un monstre végétal, en échange de quoi leur fils décédé sera ressuscité. Malone fait du fantastique à l’ancienne, privilégiant l’ambiance pour une trame à mi-chemin entre le slasher et le old school gothique. Si dans sa première moitié cet épisode convainc par son climat aussi éthéré que nébuleux, la suite plus convenue déçoit. Et au final subsiste le sentiment que le film n’assume pas le « fair-haired child » qui lui donne son titre, délivrant des scènes aux principes formels archi rebattus. Et ce n’est pas la mince (et sans surprise) pirouette finale qui change la donne…


Episode 10 : « Sick Girl » réalisé par Lucky McKee
Niveau +2

Le réalisateur de May livre un épisode étrange prenant pied sur des archétypes éculés : mythe de la mante religieuse, contamination et mutation : ici c’est un mystérieux insecte carnivore qui en les piquant transforme les humains en monstres. Sur une trame faussement classique, McKee installe une atmosphère délétère et saphique, portée par deux personnages féminins troublants. S’il n’échappe pas à certaines figures imposées et n’apporte pas grand-chose de plus au propos du cinéaste par rapport à May, le film conserve jusqu’au bout son aura subtilement torve et ambiguë. Reste un dénouement trop expéditif qui disperse l’atmosphère distillée auparavant, mais n’entache pas la bonne tenue de cet épisode.


Episode 11 : « Pick Me Up » réalisé par Larry Cohen
Niveau -2

Scripte improbable, voire crétin (deux serial-killers se disputant la même proie sur une route des States), mise en scène pataude du has-been Larry Cohen… Du B de compétition aussi creux que visuellement fadasse. Les partitions surfaites des acteurs n’arrangent rien dans ce slasher chiant et mou du gland, l’ensemble confinant à la théâtralité avec ce scripte démonstratif et définitivement bêta.


Episode 12 : « Haeckel’s Tale », réalisé par John Mac Naughton
Niveau +4

Dans un univers évoquant immanquablement les grands noms de l’épouvante (Poe, Lovecraft et Shelley sont cités, le scénario est adapté d’une nouvelle de Clive Barker, produit par George Romero), ce conte nous narre le parcours d’un jeune étudiant en science obsédé par la résurrection des morts, qui va vivre une expérience au-delà de ce qu’il avait pu imaginer. Difficile d’en dire plus tant ce segment des Masters est riche en suspense, dans une ambiance de sorcellerie aussi immersive qu’inquiétante. D’autant que Mac Naughton (Sexcrimes, Henry portrait d’un serial killer) fait montre d’une efficacité à toute épreuve dans cette fiction d’impeccable facture : superbe photo, interprétation sans failles, rythme envoûtant. Une élégance stylistique qui tranche au final sur la transgression du sujet : une histoire de nécrophilie aussi tordue qu’inattendue. L’exploit du film ? Se balader pendant les dix dernières minutes à l’extrême limite du grand guignol sans jamais y tomber, l’ironie l’emportant sur la farce, les images habitées et troublantes sur les situations abracadabrantes. On se lève et on applaudit !


Episode 13 : « Imprint » réalisé par Takashi Miike
Niveau -1

Le plus provocateur et dérangeant des cinéastes japonais propose l’épisode le plus « exotique » de cette saison, d’une part car situé au Japon, mais aussi par la controverse qu’il suscite. Censuré par Showtime (la chaîne diffusant les Masters aux USA) pour bestialité, ce métrage va plus loin (mais pas forcément dans le bon sens) que tous ceux de cette fournée des Masters. Un américain y part à la recherche de sa promise, prostituée japonaise, et apprend par une de ses collègues qu’elle est morte dans d’étranges circonstances. Partant de ce postulat simple, Miike sombre assez vite dans son grand travers : la violence gratuite. Entre scène de torture insoutenables, avortements déviants et gémellité nauséeuse, le film n’épargne pas le spectateur. Qui plus est, la lenteur du récit accentue par contrepoint cette cruauté graphique en l’installant dans la durée, de façon à ce qu’il n’y est point d’échappatoire. S’il a le mérite de remuer et de proposer quelques images fortes, cet épisode en oublie l’essentiel : raconter quelque chose et faire sens.

Thomas Bourgeois
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