PORTRAIT

Irvin KERSHNER

Réalisateur

Portrait

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POUR LES YEUX DE L’EMPIRE : IRVIN KERSHNER (1923-2010)


Il existe principalement deux catégories de réalisateurs. Les réalisateurs menant un projet qu’ils ont initiés et ceux que la production va imposer sur un film, pensant pouvoir en tirer les ficelles afin d’avoir une emprise totale sur le projet. Ces « Yes man » (pour réalisateur qui dit « oui » à tout) ne laissent que rarement de traces dans l’histoire du 7ème art. Mais un miracle peut arriver, et le cinéma nous l’a souvent montré. Irvin Kershner est ce miracle. Irvin Kershner est le « yes man » qui aura, en s’opposant à George Lucas, l’un des moguls les plus puissants d’Hollywood, a réaliser le space opéra ultime : « L’Empire Contre-attaque ».

Né en 1923 aux Etats Unis, Irvin Kershner n’aura réalisé que très peu de films. Si le film, « Les ‘S’ Pions » (S*P*Y*S) en 1974 reste plus que méconnu (malgré la présence de notre Daniel Gélin national aux côtés d’Elliott Gould et de Donald Sutherland), tout comme le deuxième « La revanche d’un homme nommé cheval » avec Richard Harris en 1976 (suite d’ « Un homme nommé cheval »), la carrière d’Irvin Kershner va « décoller » avec « Les Yeux de Laura Mars » (« Eyes Of Laura Mars ») en 1978.
Le film, écrit par John Carpenter et interprété par Faye Dunaway, Tommy Lee Jones et Brad Dourif est un bon petit thriller très habile et parfaitement mené. Kershner prouve déjà, avec cette histoire de photographe ayant des visions de meurtres, qu’il est un ‘faiseur’ et pas un simple pion que l’on pose derrière la caméra pour tourner une commande de seconde zone. Carpenter a surement du reconnaître le talent du « jeune » réalisateur âgé déjà de 55 ans ! Ses 3 prochains (et derniers) films seront de la même trempe.

Choisi pour tourner le 1er James Bond de ce qui devait être la franchise concurrente à celle de la MGM / United Artists, Kershner réalise donc en 1983 avec « Jamais plus jamais » (« Never Say Never Again ») un remake d’« Opération tonnerre » (« Thunderball ») de Terence Young sorti en 1965. Le film présente Sean Connery comme un James Bond réintroduit dans le service, après une période de retraite. Bien plus efficace que le James Bond « officiel » sorti la même année, « Octopussy », « Jamais Plus Jamais » aura souffert des batailles juridiques et reste surtout dans les mémoires comme le seul James Bond « non officiel ».

1990 marque le dernier film d’Irvin Kershner (oui, c’était il y a déjà 20 ans). Il sort cette année-là l’un des films de SF cyber-punk les plus violent « Robocop 2 », suite du film de Paul Verhoeven (lui même déjà graphiquement extrêmement violent). Souvent considéré à tort comme un téléfilm de luxe, « Robocop 2 » dépeint une Amérique en proie à une décadence extrême : les grands financiers décident de donner le pouvoir un « messie » criminel, l’un des personnage est un gamin de 10 ans dealer et tueur de flic (et chose rare, il meurt à l’écran ensanglanté) et les héros subissent tous les coups du sort possible. « Robocop 2 », bien qu’en avance sur son temps, est déjà rattrapé par la génération montante s’appelant James Cameron.

Des films de qualité mais ne trouvant pas le succès mérité, des revers de fortune, des héros accablés, déchus et déchiquetés, une opposition au système, telle est la carrière d’Irvin Kershner et tout cela se synthétise dans son œuvre ultime, son véritable pavé dans la mare, sa « chapelle sixtine » : « L’Empire contre-attaque » (« The Empire Strikes Back ») en 1980. Culte parmi les cultes, chef d’œuvre du Space Opéra et du Cinéma. Ce second volet de la saga « Star Wars » doit tout (ou presque, n’exagérons pas non plus et rendons à Lucas ce qui est à Lucas) à Kershner et à sa volonté de livrer une œuvre grandiose. Kershner aura imposé sa vision du film jusqu’au bout et c’est à lui que nous devons cet acharnement contre les héros qui a fait de « L’Empire » une œuvre sombre, un drame shakespearien et adulé. David Fincher a dit que le succès de « L’Empire » tenait à « une putain de marionnette », mais il doit surtout à l’amour que portait Kershner au cinéma et à ses personnages. L’auteur de ces lignes ne pourra jamais remercier suffisamment le président du festival Fantastic’Arts de Gérardmer en 2007 pour lui avoir permis de voir ce chef d’oeuvre.

Bon voyage dans les tourbillons de la Force, Mr Kershner. Qu’elle soit avec vous à jamais !

Filmographie Sélective:
1974 – Les ‘S’ Pions
1976 – La revanche d’un homme nommé Cheval
1978 – Les yeux de Laura Mars
1980 – L’Empire contre-attaque
1983 – Jamais plus jamais
1990 – Robocop 2

François Rey
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