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OSCARS 2011 : résultats et commentaires


Exit les vieux pleins de bagou que sont Alec Baldwin et Steve Martin. Place au sang neuf : les jeunots James Franco et Anne Hathaway ont été désignés pour renouveler la cérémonie de cet évènement solennel. Alors, si Anne Hathaway a assuré le show aux pingouins dans la salle, James Franco fut plus en retrait, visiblement stressé des résultats qui l’attendaient dans la catégorie du Meilleur acteur. S’attendait-il vraiment à voler la vedette à Colin Firth et à son discours ?


Meilleur film : Le discours d'un roi, de Tom Hooper
Meilleur réalisateur : Tom Hooper (Le Discours d'un roi)
Meilleur acteur : Colin Firth (A single man)
Meilleure actrice : Nathalie Portman (Black Swan)
Meilleur acteur dans un second rôle : Christian Bale (The Fighter)
Meilleure actrice dans un second rôle : Melissa Leo (The Fighter)
Meilleur scénario original : Le Discours d'un roi (David Seidler)
Meilleure adaptation : Aaron Sorkin (The Social Network)
Meilleure musique : The Social Network (Trent Reznor et Atticus Ross)
Meilleure chanson : Toy Story 3 (« We Belong Together » ? Randy Newman)
Meilleure photographie : Inception (Wally Pfister)
Meilleurs décors : Alice aux pays des merveilles (Robert Stromberg et Karen O'Hara)
Meilleurs costumes : Alice au Pays des Merveilles (Colleen Atwood)
Meilleur montage : The Social Network (Kirk Baxter et Angus Wall)
Meilleur montage sonore : Inception (Richard King)
Meilleur son : Inception (Lora Hirschberg, Gary Rizzo et Ed Novick)
Meilleur maquillage : Wolfman (Rick Baker et Dave Elsey)
Meilleurs effets visuels : Inception (Chris Corbould, Andrew Lockley et Peter Bebb)
Meilleur film d'animation : Toy Story 3 de Lee Unkrich
Meilleur film documentaire : Inside Job (Charles Ferguson)
Meilleur film étranger : In a better world (Susanne Bier, Danemark)
Meilleur court métrage : God of Love de Luke Matheny
Meilleur court métrage d'animation : The Lost Thing
Meilleur court métrage documentaire : Strangers no more (Karen Goodman)

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Pour cette 83ème cérémonie dédiée au cinéma américain, il semblerait que la profession ait préféré récompenser l’académisme aux prises de risques radicales, toutes aussi réussies soit-elles. « Le Discours d’un roi » rafle donc les quatre statuettes les plus prestigieuses : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario original et meilleur acteur. Si le prix récompensant Colin Firth pour son incroyable prestation est indiscutable malgré des adversaires au mieux de leur forme (Javier Bardem et Jeff Bridges en tête), le reste des distinctions a de quoi faire tiquer. Lorsqu’un script aussi complexe et sans faille que celui d’Inception ou que des dialogues aussi remarquablement écrits que ceux d’ « Another Year » passent derrière le scénario de David Seidler, on ne peut plus classique et suivant à la lettre des faits historiques, il y a de quoi être interloqué. De même, comment ne pas s’offusquer de constater que la réalisation de Tom Hooper, se reposant quasi-entièrement sur la parfaite interprétation du roi d’Angleterre, détrône la capacité de Fincher à transcender un sujet difficile à mettre en scène ou encore l’incroyable réalisation d’Aronofsky sublimant la saisissante prestation de Natalie Portman ? Non. Même les Coen et O. Russell auraient pu se targuer d’avoir mieux fait que le réalisateur du « Discours d’un Roi ». Il est par ailleurs déplorable que le nom de Martin Scorsese soit boudé une année de plus, alors que son « Shutter Island », sorti début 2010 aux Etats Unis, demeure une sacrée leçon de cinéma. Enfin, quand à l’oscar ultime, malgré les pointures présentes dans la catégorie (« Black Swan », « The Social network » , « The Fighter », « True grit » et « Inception »), c’est le plus classique mais néanmoins très réussi (tout comme le reste des contestants par ailleurs) qui l’emporte. Le sublime cygne noir repart donc bredouille, les votants ayant privilégié « l’élégance du favori », comme l’avait si justement titré notre rédacteur en chef.

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Qu’à cela ne tienne, la star de « Black swan » repartira avec son oscar de la meilleure actrice, faute de mieux dans la sélection. Car même si son jeu n’est pas aussi riche que celui de Kidman dans « Rabbit hole », ou celui d’Annette Bening dans « The Kids are all right », personne ne pouvait rester de marbre devant cette interprétation d’une ballerine schizophrène, rôle qui devrait marquer sa carrière pour encore longtemps. Côté rôles secondaires, c’est « The Fighter » le grand gagnant. Et c’est tout mérité. Des cités dans la catégorie, personne ne pouvait rivaliser avec la stupéfiante métamorphose de Bale, méconnaissable, pour le rôle de Dicky Ward. Et même après avoir vu ce qu’il pouvait produire pour « The Machiniste » il y a six ans, c’est toujours un choc de le voir autant possédé par un rôle. Par ailleurs, pour l’actrice Melissa Leo, déjà poignante dans « Frosen river », c’est la consécration. Là encore, des cinq nominées, c’est elle qui était toute désignée pour cette récompense, malgré tout le bien que l’on peut penser de la prestation de la petite Hailee Steinfeld dans « True grit ».

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On remarquera que les Américains sont plus sensibles aux grands spectacles en 3D qu’aux petits films charmants d’animation 2D récompensés aux Césars... Le néanmoins excellent « Toy story 3 » repart avec le prix du meilleur film d’animation, faute de prix du meilleur film comme l’avait fait « Là-Haut » l’an dernier. A ce sujet, il est d’ailleurs inutile de faire croire aux nominés de la catégorie qu’ils vont passer devant un film d’animation figurant aussi dans la catégorie du meilleur film… Côté documentaires, c’est le très bon « Inside job » qui passe devant l’excellent « Faites le mur ». Le reste des documentaires nominés n’ayant pas été vus, on se gardera de juger. Enfin, le seul film qu’Abus de Ciné n’a pas encore pu voir, remporte le prix du meilleur film étranger face au bouleversant « Incendies » plébiscité par la rédaction, et qui surclassait les « Canine », « Biutiful » ou encore le décevant « Hors la-loi ». Le film danois « Revenge » mérite-t-il de passer devant une aussi belle réussite que celle de Denis Villeneuve ? Réponse dans les salles françaises le 16 mars 2011.


Les oubliés des oscars prestigieux pourront se consoler avec la remise des prix techniques. « Inception » remporte quatre oscars, dont les très mérités meilleurs effets spéciaux et meilleurs mixage et montage son, même si « Black swan » (grand absent de ces deux catégories) et « The Social network » ont délivrés un travail formidable dans ces domaines. Concernant l’oscar de la meilleure photographie, Roger Deakins ou Jeff Cronenweth auraient largement pu voler la vedette à Wally Pfister, étant donné leur travail respectif sur « True grit » et « The Social network ». Techniquement irréprochable, le film de Fincher n’est pas en reste. Il remporte la meilleure musique, le meilleur montage et rafle au passage l’oscar du meilleur scénario adapté. Prix amplement mérité, le montage de « The Social network » est un modèle du genre, rythmé par les compositions accrocheuses de Trent Reznor et Atticus Ross (rappelant celles des Dust Brothers à l’époque de « Fight Club »), qui ponctuent les délicieux dialogues punchy d’Aaron Sorkin. Il n’y a pas à dire, dans toutes ces catégories, « The Social Network » surclassait de loin ses concurrents. Notons enfin que les oscars de la meilleure direction artistique et des meilleurs costumes ont bien évidement été attribués à « Alice au pays des merveilles » de Burton, seuls points positifs de ce film très faiblard.

Au final, même si « Le Discours d’un roi » a remporté tous les prix qui attirent le principal intérêt de la masse, force est de constater que d’autres films ont su tirer leur épingle du jeu dans les catégories techniques. On est loin des résultats des Oscars de 2009, où « Slumdog millionaire » avait remporté la bagatelle de 8 statuettes. Et bien que Boyle soit cette fois reparti bredouille, avec son gentillet « 127 heures », on peut dire que les deux plus grands perdants sont « Black Swan » et « True Grit », qui avaient vraiment des qualités techniques et artistiques indéniables. Cette 83e cérémonie des oscars a confirmé qu’il ne pouvait en rester qu’un, et bien sûr c’est le roi.

Alexandre Romanazzi

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