DOSSIER

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LES MEILLEURS FILMS DE 2014 SELON OLIVIER BACHELARD


Comment caractériser cette belle année cinéma qui s'achève ? De nombreux films visionnés : 280 au total, soit une belle augmentation par rapport à 2013 ; de nombreux festivals couverts : des trois mastodontes cannois, berlinois et vénitien, en passant par Meyzieu, Les reflets du cinéma ibériques à Villeurbanne ou le désormais incontournable Cartoon movie, et un retour en Normandie côté Deauville US, autant d'occasions de découvrir de petites perles qui ne trouveront pas toujours leur chemin jusqu'en salles.

Au final tout est donc question de curiosité, car sans les festivals, les projections de presse ou les avant-premières, je serais certainement passé à côté de certains de mes chouchous de l'année, tels « Locke », non distribué à Lyon, ou « The Best offer », passé complètement inaperçu, malgré son scénario d'enfer. La preuve en est (et ainsi j'en termine avec les statistiques qui n'intéressent personnes) que je n'aurai vu en 2014 en salles que 98 longs-métrages (à peine un tiers) contre 109 en festivals, 36 en projections de presse et 17 lors d'avant-premières. Heureusement la curiosité est contagieuse, et c'est certainement là l'un des bienfaits du fonctionnement de la rédaction d'Abus de ciné : se donner mutuellement envie de voir des films. D'où personnellement 20 films rattrapés en DVD sur les conseils enflammés de mes collègues.

Si je sais fort bien que peu de mes préférés trouveront grâce dans les classements de ces derniers, j'aurai tout de même réussi à découvrir quelques pépites grâce à eux, et je les en remercie. Un petit tour d'horizon, donc, de mes coups de cœurs, forcément personnels et de mes déceptions.

Un top des plus variés

Au final, seulement 15 films sortent réellement du lot, et sont encore plus difficiles à départager que l'an dernier sur un top 10. Mais une caractéristique saute aux yeux : la diversité des postures et des styles, puisqu'on retrouve non seulement des thrillers, un film de guerre, une chronique familiale, une comédie loufoque, un sublime documentaire, ou deux dessins animés très différents. Que le choix des metteurs en scène consiste en l'immersion (« '71 »), l'examen de ce qui fait une personnalité (« Locke » ou « Boyhood »), l'évocation d'un suspense hitchcockien (« Tom à la ferme »), la fantaisie proche du cartoon (« The Grand Budapest Hotel »), c'est toujours la surprise, l'émotion et le plaisir, qui auront guidé mes choix. Ceci pour arriver au trio de tête, trois films puissants et inoubliables, et surtout humains.

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Des comédies françaises catastrophiques

Un certain nombre de déceptions auront aussi jalonné cette année, à commencer par de nombreuses comédies françaises. Deux se retrouvent dans mon Flop 2014, le plus gros succès et l'un des pires échecs commerciaux. Avec le recul, je me demande toujours ce qui a pu faire rire plus de 10 millions de spectateurs face à la série de clichés charriés par « Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ? » et comment Guillaume de Tonquedec a pu se fourvoyer en acceptant le rôle principal de « SMS » (photo ci-contre). Si le ratage du péplum « Pompei » était prévisible, c'est surtout la perdition de grands auteurs qui marque, avec le navrant « Pasolini » d'un Abel Ferrara qui n'a rien à dire sur cet auteur, et surtout le top du cinéma qui se regarde le nombril sans se soucier du spectateur avec « Les Chiens errants » de Tsai Ming Liang, qui aurait mérité une bonne heure de moins.

Des réalisateurs puissants

Des magnifiques plans séquences de « The Tribe », calculés pour éviter toute prise de son de voix (le film n'est fait qu'avec des personnages sourds muets, aux 12 ans de tournage de Richard Linklater qui saisit la genèse d'une personnalité comme personne, en passant par l'écran qui s'élargit avec un espoir qui renaît de Xavier Dolan, les réalisateurs ont fait preuve d'inventivité. Il en va de même avec les errances galactiques et les paysages impressionnants d’« Interstellar » de Christopher Nolan et de la poésie empreinte de chaleur du « Timbuktu » d'Abderrahmane Sissako. Enfin, le sens de l'immersion de Yann Demange, dont le premier long métrage « '71 » en aura secoué plus d'un, lui vaut bien une distinction à part : celle de la plus belle révélation de l'année.

De nombreux beaux rôles

Côté interprètes 2014 était sans nul doute l'année des filles, trop nombreuses dans les starting-blocks pour que certaines ne fassent pas les frais de ce tri obligé, malgré des numéros d'actrice énormes. Quel regret d'avoir dû écarter à la dernière minute la détresse de Marion Cotillard dans « Deux jours une nuit », le magnifique duo/duel Juliette Binoche/Kristen Stewart dans « Sils Maria », la Julianne Moore récompensée à Cannes pour « Maps to the stars », ou encore la vibrante Kate Winslet dans « Last days of summer ». Celle qui s'impose est vite devenue une évidence, tant elle a brillé dans deux rôles de femme à la fois forte (« Les Combattants ») et faible (« L'homme qu'on aimait trop »), où elle paraît avoir 15 ans d'écart. Derrière elle, on trouve la révélation Shailene Woodley, à l'aise dans tous les registres, Emilie Dequenne, inoubliable coiffeuse dont la dernière scène vous laisse scotché dans un film pourtant décevant (« Pas son genre »), et deux battantes : Ronit Elkabetz réclamant le divorce dans un Israël peu favorable aux femmes, et Judy Dench recherchant le fils qu'elle n'a jamais connu dans « Philomena ».

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Le classement des garçons était plus facile, avec forcément au milieu l'Oscar de l'an dernier (McConaughey) et le prix d'interprétation berlinois (percutant Liao Fan dans « Black Coal » - photo ci-contre). Jake Gyllenhaal tient le haut du pavé, avec un rôle de manipulateur vicelard et un double rôle auquel on n'a pas tout compris. Et derrière, il y a Tom Hardy, acteur caméléon, entre film intimiste et polar mafieux. Quant au petit nouveau du peloton, c'est celui qui ne peut que nous arracher des larmes, une véritable boule de tendresse et de tristesse dans « Lilting » : Ben Whishaw. Du coup, exit aussi de nombreux grands rôles : JK Simmons terrible professeur dans « Whiplash », les deux formidables Yves Saint Laurent de l'année Gaspar Ulliel et Pierre Niney, le touchant Bruce Dern dans « Nebraska », la grande classe de Oscar Isaac dans « A most violent year », et surtout le plus prolifique et surprenant des acteurs de l'année, Shia Labeouf, vu à la fois dans « Charlie Countryman », « Nymphomaniac 1 et 2 » et « Fury », un jeune homme désormais plein de promesses.

Deux tops thématiques pour deux formats

Pas facile cette année de choisir un thème spécifique, du coup, privilège de rédacteur en chef, j'en ai finalement choisi deux : un pour les longs métrages, l'autre pour les courts. Je souhaitais d'abord souligner la force de certains concepts, qui font la base ou la forme de films tout à fait à part, mais auxquels on aurait pu ne pas croire un instant sur le papier. C'est tout le talent de metteur en scène, conjugué au brio d'acteurs impliqués qui font de ces films des grands moments de cinéma.

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Il en va ainsi du principe tenu de bout en bout, d'un silence des voix dans l'ukrainien « The tribe » tourné avec uniquement des sourds muets, du format étriqué vertical de l'image de « Mommy », s'écartant et se rétrécissant aux grès des fluctuations du destin, et du focus sur le cœur d'un Tom Hardy qui tente d'être un homme bien, dans « Locke » (photo ci-contre), où la caméra le suit au volant de sa voiture, en temps réel, pendant une heure trente, le temps d'un trajet où tout se joue pour lui. Autre histoire de véhicules, mais ici d'honneur mal placé, « Palerme » met face à face deux voitures, dont les conductrices refuse de reculer : une parabole de blocage sur la situation de la Sicile. Enfin, autre parabole qui méritait d'être distinguée, celle de « White dog », dont les personnages principaux sont des chiens, figures d'immigrants peu désirés et maltraités.

Enfin, je terminerai par un inhabituel Top consacré aux courts métrages de thématique LGBT. Ayant eu grâce au Festival Face à Face de Saint-Étienne, l'opportunité de vivre ma première expérience de juré, voici donc un florilège de quelques films de 2014 (ou presque), qui méritent le détour. En tête, une histoire d'initiation et de double différence avec « Court », devant un vidéo clip « frappant » comparant les coups de l'amour à de vraies blessures (« Carpe Jugular »), par un Allemand que l'on retrouve un peu plus loin en 5e place avec « The thought of you is consuming me », de facture clipesque également mais riche en sensations face à la frustration de son héros. On pourrait d'ailleurs rapprocher sa construction de celle de « Mommy » de Xavier Dolan. Terminons par le Grand prix de 2014, le déchirant film danois « Nomansland », traitant du deuil, et par le tout mignon « La princesse de Lamour Damour », délire pro liberté d'aimer, délicieusement porté par son actrice principale.

À l'année prochaine ! A vous, à notre dynamique rédaction et à nos festivals favoris. Que l'on en prenne encore une fois plein les yeux !

TOP films
1 - Boyhood, de Richard Linklater
2 - The Tribe, de Myroslav Slaboshpytsky
3 - Locke, de Steven Knight
4 - Minuscule, la vallée des fourmis perdues, de Thomas Szabo et Hélène Giraud
5 - ’71, de Yann Demange
6 - The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson
7 - The Best offer, de Giusepe Tornatore
8 - Tom à la ferme, de Xavier Dolan
9 - Le Sel de la terre, de Wim Wenders et Juliano Ribeiro Salgado
10 - Le Chant de la mer, de Tomm Moore

FLOP films
1 - Les Chiens errants, de Tsai Ming Liang
2 - Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?, de Philippe de Chauveron
3 - SMS, de Gabriel Julien-Laferrière
4 - Pasolini, de Abel Ferrara
5 - Pompéi, de Paul W.S. Anderson

TOP réalisateurs
1 - Myroslav Slaboshpytskiy (The Tribe)
2 - Xavier Dolan (Mommy)
3 - Richard Linklater (Boyhood)
4 - Christopher Nolan (Interstellar)
5 - Abderrahmane Sissako (Timbuktu)


TOP actrices
1 - Adèle Haenel (L'Homme qu'on aimait trop - Les Combattants) (photo ci-contre)
2 - Shailene Woodley (Nos étoiles contraires - White bird - Divergente)
3 - Emilie Dequesne (Pas son genre)
4 - Ronit Elkabetz (Le procès de Viviane Amsalem)
5 - Judy Dench (Philomena)

TOP acteurs
1 - Jake Gyllenhaal (Night Call - Enemy)
2 - Ben Wishaw (Lilting ou la délicatesse)
3 - Tom Hardy (Locke - Quand vient la nuit)
4 - Matthew McConaughey (Dallas Buyers Club)
5 - Fan Liao (Black Coal)

TOP 5 thématique (longs) :
Films aux concepts forts dans leur choix de mise en scène ou leur idée de base, auxquels on ne croyait pas avant de découvrir de vraies réussites

1 - The Tribe, de Myroslav Slaboshpytskiy
2 - Mommy, de Xavier Dolan
3 - Palerme, de Emma Dante
4 - White God, de Kornel Mundruczó
5 - Locke, de Steven Knight ex-aequo avec Boyhood, de Richard Linklater

TOP 5 thématique (courts) :
Courts métrages LGBT

1 - Kort (Court), de Sanne Vogel
2 - "Carpe Jugular" (vidéo de The Hidden Cameras), de Kai Staenicke
3 - Nomansland, de Karsten Geisnæs
4 - La princesse de lamour damour, de Arnaud Lalanne
5 - The thought of you is consuming me, de Kai Staenicke

Révélation de l'année 2014
Yann Demange, réalisateur de « '71 »

Olivier Bachelard

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