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IL ETAIT UNE FOIS… Jurassic Park, de Steven Spielberg


Steven Spielberg n’en était pas à son premier défi lorsqu’il réalisa ce qui allait devenir son film le plus célèbre. Mais en ressuscitant un genre tombé en désuétude, le plus adulé des cinéastes n’imaginait sans doute pas qu’il allait susciter un tel engouement… et donner au cinéma de divertissement un nouvel élan. Alors que le film ressort au cinéma le 1er mai 2013 dans une nouvelle copie 3D, et que Spielberg s’apprête à prendre la présidence du prochain Festival de Cannes, retour sur une œuvre majeure.

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Bienvenue à Jurassic Park

En 1992, Steven Spielberg sort du carton mondial de son adaptation controversée du mythe de Peter Pan, "Hook, ou la revanche du Capitaine Crochet", succès incroyable boudé par la critique. Désirant s’affranchir d’un cinéma de divertissement qu’il maîtrise comme personne, mais ne le satisfaisant pas en tant que réalisateur, il lance le projet qui devrait lui apporter la reconnaissance de ses pairs, et des journalistes, "La Liste de Schindler". Seulement, le studio en charge de la production du film doute de la viabilité commerciale d’un film attendu au tournant. Et impose alors au cinéaste la mise en scène d’un pur blockbuster estival, apte à rassurer les financiers. Le choix de Steven Spielberg se porte alors sur l’adaptation d’un best-seller de l’écrivain Michael Crichton, idéal selon lui pour « retrouver [s]on âme d’enfant ».

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Roi du cinéma d’aventure, Steven Spielberg voit avant tout en "Jurassic Park" l’occasion de rendre hommage à tout un genre, l’aventure exotique, au "King Kong" originel et aux films de Ray Harryhausen en tête. Retrouvant une pureté narrative héritée de son "E.T.", Spielberg ne s’emballe pas outre mesure, préférant une économie de personnages et de lieux pour mieux marquer le spectateur de quelques idées, scènes ou plans qui n’appartiennent qu’à lui. Se reposant sur un casting parfait, il prend le temps d’introduire son histoire, de présenter ses différents protagonistes et d’identifier les enjeux de son film. Une entrée en matière qui pourrait paraître un brin didactique et frustrante (surtout à la revoyure), mais que Spielberg conduit d’une main de maître, n’oubliant jamais son public. Ainsi, si le film démarre vraiment à l’apparition du T-Rex furibard - lors d’une scène désormais culte -, les premiers dinosaures (les bronchiosaures) pointent le bout de leur (long) museau au bout de vingt petites minutes, dans une séquence poignante de merveilleux soulignée par la musique somptueuse de John Williams.

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Révolution digitale

Entouré d’une équipe technique parfaitement rodée (Williams, donc, mais aussi le directeur de la photographie Dean Cundey, le monteur Michael Khan et la productrice Kathleen Kennedy, entre autres), Steven Spielberg doit tout de même résoudre LE défi du film : donner à voir une faune préhistorique crédible et impressionnante, dont l’interaction avec le décor et les personnages humains ne doit jamais être remise en cause ou sujette à la moquerie. Supervisée par le spécialiste Dennis Muren (à l’œuvre sur les deux autres films ayant contribué à révolutionner les effets-spéciaux, "Abyss" et "Terminator 2", tous deux de James Cameron), l’équipe des magiciens d’ILM parviennent à combler les attentes du cinéaste, propulsant dès lors le cinéma de divertissement dans une nouvelle ère. Vingt ans après leur création, les images de synthèse photoréalistes de "Jurassic Park" n’ont rien perdu de leur puissance d’évocation, les spectateurs ayant toujours en tête des séquences aussi incroyables que l’attaque du T-Rex, la cavalcade des Gallimimus ou le final dans la cuisine avec les deux Raptors.


Un travail de pionnier, et de titan, qui bien heureusement ne prend jamais la main sur le récit, a contrario des nombreux films qui s’engouffreront dans la brèche ouverte par Cameron et Spielberg. Car quand on y repense, au delà de l’aboutissement technologique, au delà de l’étalage de prouesses visuelles, ce qui reste de la vision de "Jurassic Park" tient à peu de choses : une foi inébranlable dans le médium cinématographique, un émerveillement constant face à l’impossible devenu possible, un regard d’enfant sur un passé fantasmé… S’il s’identifie évidemment au personnage de John Hammond, difficile de ne pas voir en Tim une version jeune du cinéaste, dont les yeux grands ouverts face au merveilleux ne peuvent que l’évoquer découvrant "King Kong" ou "Le Monde perdu". La gageur d’une émotion enfantine qu’il n’a peut-être jamais cessé de chercher, de "E.T." à ce "Jurassic Park", en passant par "Rencontres du troisième type" ou "Empire du Soleil".

De la suite dans les idées

Réconforté par le succès massif du film, Universal ne se fera pas prier pour produire "La Liste de Schindler"… et lancer la production d’une suite à "Jurassic Park" que l’ancien wonder-boy d’Hollywood réalisera, un peu à contrecœur, quatre ans plus tard. Une séquelle bien plus maîtrisée d’un point de vue formelle (photographie crépusculaire du nouveau venu Janusz Kaminski, plans-séquences virtuoses et effets spéciaux incroyablement réalistes), mais bâclée sur le plan de la narration et des personnages. Comme s’il avait été changé par l’expérience de son film sur la Shoah, Spielberg ne reviendra jamais vraiment à un cinéma du pur plaisir immédiat. Si ce n’est, dix-huit ans plus tard, avec "Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne". Une autre révolution…


BANDE-ANNONCE :

Frédéric Wullschleger

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